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28/07/2004 | FRANCE | N°253775

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 28 juillet 2004, 253775


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 avril 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Ramon X, lui a enjoint de délivrer à M. X un titre de séjour provisoire et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugem

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2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal admi...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 avril 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Ramon X, lui a enjoint de délivrer à M. X un titre de séjour provisoire et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité philippine, est entré en France en 1992 pour y rejoindre son épouse, installée depuis 1988 et titulaire d'un titre de séjour régulier ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard en particulier à l'absence d'attaches familiales effectives avec son pays d'origine, et alors même que l'intéressé peut bénéficier d'une mesure de regroupement familial, l'arrêté de reconduite à la frontière a porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions de M. X aux fins d'injonction :

Considérant que le jugement attaqué a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté de reconduite à la frontière et non d'une décision refusant de délivrer une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, il n'impliquait pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; qu'ainsi, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, n'étaient pas recevables ;

Considérant que si, à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour, et s'il appartient, dès lors, au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, le jugement attaqué prescrit au PREFET DE POLICE de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai de deux mois suivant son prononcé ; qu'il n'y a pas lieu de réduire ce délai, ni d'assortir cette injonction d'une astreinte, comme le demande M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. X devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ramon X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 253775
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 253775
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:253775.20040728
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