La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2004 | FRANCE | N°255452

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 28 juillet 2004, 255452


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 7 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande en date du 23 décembre 2002 tendant à la révision de la pension qui lui a été concédée par arrêté du 9 décembre 2002 en tant que cet arrêté ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 1

2 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 7 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande en date du 23 décembre 2002 tendant à la révision de la pension qui lui a été concédée par arrêté du 9 décembre 2002 en tant que cet arrêté ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de réviser les bases de liquidation de sa pension dans un délai de deux mois en tenant compte de ces bonifications, de revaloriser cette pension et de lui verser les sommes dont il a été privé, assorties des intérêts au taux légal au jour de la demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,

- les observations de Me Jacoupy, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au présent litige, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là que la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé de faire droit à la demande de M. X tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de cette bonification alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses trois enfants est entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension militaire de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite alors applicable ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 23 décembre 2002, jour où il a demandé le paiement de ces sommes ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté la demande de M. X en date du 23 décembre 2002 tendant à ce que sa pension militaire de retraite soit révisée compte tenu de la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite est annulée.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 23 décembre 2002.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis X, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2004, n° 255452
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : JACOUPY

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 28/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 255452
Numéro NOR : CETATEXT000008161110 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-28;255452 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award