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28/07/2004 | FRANCE | N°258220

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 28 juillet 2004, 258220


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 3 juillet et le 8 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'AUBE ; le PREFET DE L'AUBE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons en Champagne en tant qu'il a annulé sa décision du 5 mai 2003 fixant comme pays à destination duquel M. Abdenour X doit être reconduit le pays dont il a la nationalité ou le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours

de validité ou un autre pays où il est légalement admissible ;

2°) de re...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 3 juillet et le 8 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'AUBE ; le PREFET DE L'AUBE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons en Champagne en tant qu'il a annulé sa décision du 5 mai 2003 fixant comme pays à destination duquel M. Abdenour X doit être reconduit le pays dont il a la nationalité ou le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou un autre pays où il est légalement admissible ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Abdenour X devant le tribunal administratif de Châlons en Champagne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yann Aguila, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France l'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ; qu'il ressort de la rédaction de la décision litigieuse que celle-ci doit être regardée comme prévoyant la reconduite à la frontière de M. X dans son pays d'origine, l'Algérie ;

Considérant que le second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée dispose qu' un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de ce dernier texte : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que tant les appréciations portées par le ministre de l'intérieur à l'occasion de l'examen de la demande d'asile territorial présentée le 17 janvier 2003 par M. X, que celle portée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides lors de l'examen de sa demande d'asile sont sans influence sur l'obligation faite au préfet de vérifier, au vu du dossier dont il dispose, que les mesures qu'il prend ne méconnaissent pas les dispositions susmentionnées de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que si le préfet conteste les allégations de M. X selon lesquelles, compte tenu des activités qu'il aurait exercées au sein d'un mouvement politique, il courrait des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, et s'il met en cause l'authenticité des attestations correspondantes, de nature à établir que sa vie y serait menacée ou qu'il y serait susceptible d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, il n'apporte à l'appui de ces contestations aucun élément de nature à les étayer ; que par suite le PREFET DE L'AUBE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision fixant l'Algérie comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'AUBE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 20 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il annulé sa décision du 5 mai 2003 fixant le pays à destination duquel M. X devait être reconduit ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à que la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE L'AUBE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. X, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'AUBE, à M. Abdenour X, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 258220
Date de la décision : 28/07/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 258220
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Yann Aguila
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:258220.20040728
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