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28/07/2004 | FRANCE | N°260244

France | France, Conseil d'État, 7ème ssjs, 28 juillet 2004, 260244


Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 13 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme B...D... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces

du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des li...

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 13 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme B...D... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yann Aguila, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...D..., de nationalité ivoirienne, entrée irrégulièrement en France en 1997, n'était, à la date de la mesure de reconduite à la frontière attaquée, titulaire d'aucun titre de séjour ; que, par suite, elle entrait dans le cas prévu au 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

Considérant que la circonstance que des mineurs ne puissent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ne fait pas obstacle à ce que les parents d'enfants mineurs fassent l'objet d'une telle mesure, alors même que certains de ces enfants mineurs sont scolarisés en France ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que, en l'absence de toute circonstance particulière, Mme B...D...et son compagnon, M. E...A..., qui fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du même jour, soient dans l'impossibilité d'emmener avec eux leurs deux enfants, âgés de 9 mois et de 2 ans à la date de l'arrêté litigieux ; que l'intéressée ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre ses liens familiaux dans son pays d'origine ; que dès lors, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme D...n'a pas porté atteinte à sa vie familiale ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 13 août 2003 du PREFET DE SEINE SAINT-DENIS ordonnant sa reconduite à le frontière ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeD... ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par un arrêté du 6 janvier 2003, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du département, le PREFET DE SEINE SAINT-DENIS a donné à M. F...C..., directeur de cabinet, délégation pour signer tous documents et décisions se rapportant à la situation et au séjour des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. C...n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant que si Mme D...soutient qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français, et ne pouvait dès lors faire l'objet d'une mesure de reconduite sur le fondement de l'article 22-I-1° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, elle n'apporte aucun commencement de preuve de ses allégations ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que Mme D...est entrée en France en 1997 ; qu'elle y séjourne depuis lors irrégulièrement en compagnie de son concubin, M.A..., qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, et de leurs deux enfants, nés sur le territoire ; qu'elle déclare être sans ressource et ne produit aucun document établissant son insertion durable dans la société française ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que l'arrêté attaqué pouvait avoir sur la situation personnelle de Mme D...;

Considérant que les dispositions de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée n'impliquent nullement que l'indication du pays de destination doive figurer impérativement dans une décision matériellement distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière lui-même ; que cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière ;

Considérant que la demande de Mme D...tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique a été formée le 15 août 2003, soit à une date postérieure à celle de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ; que, dès lors, le dépôt de cette demande est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que les allégations de Mme D...relatives aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays ne sont assorties d'aucune précision ni justification probante ; que, notamment, la référence à ses convictions religieuses au regard de la situation politique générale de la Côte d'Ivoire ne saurait être regardée à elle seule comme invoquant une circonstance de nature à faire obstacle à sa reconduite vers son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 13 août 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de MmeD... ;

Considérant que la présente décision, qui rejette la demande présentée par MmeD..., n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D...ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 18 août 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...D...devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS, à Mme B...D..., et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7ème ssjs
Numéro d'arrêt : 260244
Date de la décision : 28/07/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 260244
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yann Aguila
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:260244.20040728
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