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28/07/2004 | FRANCE | N°261301

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 28 juillet 2004, 261301


Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 octobre 2003 et le mémoire ampliatif, enregistré le 18 novembre 2003, présentés pour la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG, dont le siège est ... ; la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 28 août 2003 par laquelle la commission bancaire lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes mesures destinées à renforcer sa situation financ

ière en ramenant son déficit d'exploitation à un niveau inférieur à ...

Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 octobre 2003 et le mémoire ampliatif, enregistré le 18 novembre 2003, présentés pour la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG, dont le siège est ... ; la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 28 août 2003 par laquelle la commission bancaire lui a enjoint, sur le fondement de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de prendre toutes mesures destinées à renforcer sa situation financière en ramenant son déficit d'exploitation à un niveau inférieur à 90 % au 31 décembre 2005 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L.761-1 du code justice administrative une somme qui ne saurait être inférieure à 5 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sylvie Hubac, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Blondel, avocat de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commission bancaire et du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

- les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier : La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés. Elle examine les conditions de leur exploitation et veille à la qualité de leur situation financière. Elle veille au respect des règles de bonne conduite de la profession... ; qu'aux termes de l'article L. 613-16 du même code : La commission bancaire peut...adresser à tout établissement de crédit...une injonction à l'effet notamment de prendre dans un délai déterminé toutes mesures destinées à restaurer ou renforcer sa situation financière, à améliorer ses méthodes de gestion ou à assurer l'adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement ; que, sur le fondement de ces dispositions, la Commission bancaire a, par décision du 28 août 2003, enjoint à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG, de prendre toutes mesures destinées à renforcer sa situation financière, en ramenant le coefficient d'exploitation à un niveau inférieur à 90 % au 31 décembre 2005 ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du procès-verbal de la séance du 12 juin 2003, au cours de laquelle la Commission bancaire a pris la décision attaquée, que la majorité absolue de ses membres étaient présents ou représentés, conformément aux exigences de l'article L. 613-4 du code monétaire et financier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la Commission bancaire aurait irrégulièrement délibéré manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui rappelle les étapes de la procédure de contrôle engagée par la commission bancaire à l'encontre de l'établissement ainsi que les observations formulées par ce dernier et les mesures qu'il envisageait de mettre en oeuvre pour parvenir à améliorer son équilibre financier, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles la commission s'est fondée, après un nouvel examen du dossier, pour prononcer une injonction et est, dès lors, suffisamment motivée ;

Considérant enfin que la Conférence permanente des caisses de crédit municipal n'est pas au nombre des organes centraux, dont la liste est donnée à l'article L. 511-30 du code monétaire et financier, auxquels la commission bancaire est tenue, en application de l'article L. 613-17 du même code, de communiquer les injonctions qu'elle adresse aux établissements qui leur sont affiliés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait du être préalablement communiquée à cet organisme doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier : Les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque au sens de l'article L. 311-1... ; que selon l'article L. 511-9 du même code : Les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution financière spécialisée./ Les banques mutualistes ou coopératives et les caisses de crédit municipal peuvent effectuer toute opération de banque dans le respect des limitations qui résultent des textes législatifs et réglementaires qui les régissent ; qu'aux termes de l'article L. 514-1 du code : Les caisses de crédit municipal sont des établissements publics communaux de crédit et d'aide sociale. Elles ont notamment pour mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole. Elles peuvent réaliser toutes opérations avec les établissements de crédit, recevoir des fonds des personnes physiques et des personnes morales, mettre à la disposition de ces personnes des moyens de paiement et réaliser avec elles des opérations connexes au sens de l'article L. 311.2. (...) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions ainsi que de celles de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier que, bien qu'elles aient le caractère d'établissements publics administratifs à vocation sociale, les caisses de crédit municipal constituent des établissements du secteur bancaire soumis aux règles générales des établissements de crédit et au contrôle de la commission bancaire ; que celle-ci peut adresser une injonction à une caisse de crédit municipal dès lors que les informations dont elle dispose font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes ; qu'il appartient toutefois à la commission bancaire, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier, de tenir compte des particularités du statut de ces établissements et notamment, lorsque ceux-ci ont une activité de prêt sur gage, de leur vocation sociale ;

Considérant que la circonstance que le règlement n° 99-06 du comité de la réglementation bancaire et financière soit relatif aux ressources et au fonctionnement du Fonds de garantie des dépôts n'interdisait aucunement à la Commission bancaire, alors même que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG bénéficiait, en application d'une délibération municipale en date du 5 octobre 1992 d'une garantie de la ville, de retenir le mode de calcul du coefficient d'exploitation qui est donné par ce texte pour apprécier la situation financière de l'établissement ; que la circonstance que la caisse ait bénéficié d'une telle garantie pour ses activités et son refinancement ne l'exonérait pas de l'obligation légale de remédier à sa fragilité financière ; que la commission bancaire, à qui il appartenait d'apprécier la situation financière réelle de l'établissement, a pu à bon droit ne pas intégrer, dans le calcul des produits d'exploitation de la caisse, la subvention de fonctionnement versée par la ville et apprécier globalement et toutes activités confondues la situation financière de l'établissement sans distinguer, pour le calcul du coefficient d'exploitation, entre les activités de prêt sur gage et les activités concurrentielles de crédit bancaire ; qu'en enjoignant à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG, dont l'activité pour une part très significative ne se limite pas au secteur non concurrentiel de prêt sur gage, de ramener son coefficient d'exploitation de 151,94 % à 90 %, et donc d'améliorer le rapport entre frais généraux et dotations nettes aux amortissements d'une part et produits d'exploitation d'autre part, la commission bancaire a fait application des pouvoirs qu'elle tient de la loi de veiller à la qualité de la situation financière des établissements de crédit quel que soit leur statut et n'a pas porté atteinte au principe de libre administration des collectivités locales ; que sa décision n'a eu ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient la requérante, de remettre en cause ses activités de prêt sur gage mais de lui enjoindre de rechercher une amélioration de son équilibre de gestion, en recourant notamment aux mesures de redressement proposées, d'ailleurs, par la caisse dans ses observations ;

Considérant que la circonstance que la situation financière de la caisse, telle que révélée à la commission bancaire en juin 2002, ait été la même depuis plusieurs années ne faisait pas obstacle à l'exercice par cette autorité, du pouvoir d'injonction qu'elle tient de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier ;

Considérant, enfin, que la commission a pu sans méconnaître la situation particulière de la caisse de crédit municipal et la vocation sociale d'une partie de ses activités lui enjoindre de ramener son coefficient d'exploitation à 90 % soit à un niveau moins rigoureux que celui usuellement imposé aux établissements de crédit, dans le délai fixé qui laissait plus de deux ans à l'établissement pour prendre les mesures nécessaires et n'a ainsi pas fait une inexacte application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 613-16 du code monétaire et financier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE STRASBOURG, à la commission bancaire et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

13-04-01 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES - BANQUES - COMMISSION BANCAIRE - POUVOIRS D'INJONCTION (ART. L. 613-16 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) - CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - CAISSES DE CRÉDIT MUNICIPAL - LIMITE - PRISE EN COMPTE, POUR LA DÉTERMINATION DU COEFFICIENT D'EXPLOITATION À RESPECTER, DES PARTICULARITÉS DU STATUT DE CES ÉTABLISSEMENTS, NOTAMMENT DE LEUR VOCATION SOCIALE [RJ1].

13-04-01 Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-9 et L. 514-1 du code monétaire et financier que, bien qu'elles aient le caractère d'établissements publics administratifs à vocation sociale, les caisses de crédit municipal constituent des établissements du secteur bancaire soumis aux règles générales des établissements de crédit et au contrôle de la commission bancaire. Celle-ci peut dès lors, sur le fondement des dispositions de l'article L. 613-16 du même code, adresser une injonction à une caisse de crédit municipal dès lors que les informations dont elle dispose font apparaître que son équilibre financier est compromis ou que ses méthodes de gestion ne sont pas satisfaisantes. Il lui appartient toutefois, dans l'exercice de ses pouvoirs d'injonction et notamment dans la fixation du coefficient d'exploitation qu'elle enjoint à l'établissement de respecter, de tenir compte des particularités du statut de ces établissements et notamment, lorsque ceux-ci ont une activité de prêt sur gage, de leur vocation sociale.


Références :

[RJ1]

Rappr. 30 décembre 2003, Société Arab Bank PLC, n° 257546, à publier, feuilles roses p. 17.


Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2004, n° 261301
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Sylvie Hubac
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : BLONDEL ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 28/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 261301
Numéro NOR : CETATEXT000008254650 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-28;261301 ?
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