Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 janvier 2004 et le 15 mars 2004, présentés pour M. Ayub A domicilié à ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2003 du préfet du Tarn décidant sa reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le préfet du Tarn a refusé à M. A, de nationalité russe, par une décision en date du 12 mai 2003, notifiée à l'intéressé le 14 mai 2003, la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que, par suite, M. A, qui s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de cette décision, se trouvait dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que M. A est entré en France en mars 2001 ; qu'il est marié depuis le 30 novembre 2002 avec une ressortissante algérienne, Mme B épouse A, titulaire d'un titre de séjour temporaire portant la mention salarié, qui avait été délivré à celle-ci par le préfet du Tarn après que la commission des recours des réfugiés avait, tout en rejetant la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressée, recommandé au préfet de délivrer un titre de séjour à Mme B en raison de son état psychologique fragile, consécutif à une grave agression dont elle avait été l'objet en Algérie ; que la reconduite de M. A à destination de la Tchétchénie rendrait par ailleurs aléatoire la possibilité pour celui-ci de bénéficier de la procédure du regroupement familial ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Tarn, en décidant la reconduite à la frontière de M. A, a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 25 septembre 2003 et l'arrêté du préfet du Tarn en date du 5 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. A sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Ayub A, au préfet du Tarn et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.