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28/07/2004 | FRANCE | N°264284

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 28 juillet 2004, 264284


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Claude X, demeurant ..., Mme Agnès Y, demeurant ..., M. Claude Z, demeurant ..., M. Jean-Claude A, demeurant ..., M. Michel C, demeurant ..., M. Jean-Louis B, demeurant ... ; M. X et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 décembre 2003 par laquelle le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables a rejeté leur demande de modification de l'article 4 du règlement intérieur de l'ordre ;

V

u les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 s...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Claude X, demeurant ..., Mme Agnès Y, demeurant ..., M. Claude Z, demeurant ..., M. Jean-Claude A, demeurant ..., M. Michel C, demeurant ..., M. Jean-Louis B, demeurant ... ; M. X et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 décembre 2003 par laquelle le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables a rejeté leur demande de modification de l'article 4 du règlement intérieur de l'ordre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

Vu le décret n° 96-764 du 2 septembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de M. Jean-Claude X et autres, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du syndicat des experts comptables de France et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables,

- les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables s'est doté, en application de l'article 74 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction alors applicable, d'un règlement intérieur agréé par arrêté conjoint du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'éducation nationale ;

Considérant que les requérants ont demandé au Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables de modifier l'article 4 du règlement intérieur de l'Ordre ; que, par la décision attaquée, le Conseil supérieur a refusé de faire droit à leur demande ;

Considérant que si, aux termes du 8° de l'article 31 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, le conseil régional a seul qualité pour saisir le conseil supérieur de toutes requêtes ou suggestions concernant la profession d'expert-comptable et de comptable agréé , ces dispositions ne sauraient être interprétées comme privant les membres de l'Ordre y ayant intérêt de la possibilité de demander au conseil supérieur l'abrogation d'une disposition du règlement intérieur qu'ils estimeraient illégale ; que, par suite, les requérants sont recevables à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur l'intervention du syndicat des experts-comptables de France :

Considérant que le syndicat des experts-comptables de France a intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, que ce règlement ait été illégal dès son origine ou que son illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures ;

Considérant qu'aux termes des articles 29 et 34 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, les règles relatives à l'élection des conseil régionaux et du conseil supérieur sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant que l'article 1er du décret du 2 septembre 1996 relatif aux élections et à la composition des instances ordinales des experts-comptables fixe à quatre années la durée du mandat des membres des conseils de l'ordre ; que le premier alinéa de l'article 2 du même décret exclut que le membre d'une instance ordinale puisse exercer plus de deux mandats consécutifs dans un même conseil ; qu'enfin, aux termes de son article 8 : Dans les conseils auxquels s'applique l'article 3 du présent décret, le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer, pour la durée de son mandat restant à courir, le conseiller élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit (...). / Lorsque les dispositions de l'alinéa précédent ne peuvent être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil de l'Ordre. / Toutefois, si un tiers au moins des sièges vient à être vacant plus de six mois avant le prochain renouvellement du conseil, il est procédé à des élections partielles dans les trois mois qui suivent la dernière vacance. Dans ce cas, les élus achèvent le mandat de leurs prédécesseurs. Pour l'application du premier alinéa de l'article 2, il n'est pas tenu compte des mandats exercés pendant une durée inférieure à deux ans, en application du premier ou du troisième alinéa du présent article ; qu'il résulte de ces dispositions que, hormis dans les hypothèses visées à l'article 8, l'interdiction d'exercer plus de deux mandats consécutifs instituée par l'article 2 s'applique quelle qu'ait été la durée effective des mandats antérieurs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 2 septembre 1996 : En vue de s'assurer de la sincérité du scrutin et de l'égalité des candidats, le règlement intérieur de l'Ordre fixe les modalités de la publicité à donner aux candidatures, de l'organisation des élections, du dépouillement du scrutin, du règlement des contestations, de la publication des résultats ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les conditions d'éligibilité des membres des conseils de l'Ordre ne peuvent être fixées que par décret en Conseil d'Etat ; que s'il n'est pas interdit au règlement intérieur de rassembler l'ensemble des règles applicables aux élections, y compris les conditions d'éligibilité, c'est à la condition qu'il se borne, pour ces dernières, à rappeler celles résultant du décret en Conseil d'Etat, sans les modifier ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement intérieur de l'Ordre des experts-comptables, agréé par arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'éducation nationale en date du 24 novembre 2000 : Sont éligibles les membres de l'ordre qui remplissent les conditions pour être portés sur la liste des électeurs ainsi que, en outre, les conditions suivantes : (...) - ne pas être dans l'exercice d'un deuxième mandat consécutif. Pour l'application de cette limite, il n'est pas tenu compte des mandats exercés avant l'entrée en vigueur du décret du 2 septembre 1996 ni de ceux exercés pendant une durée inférieure à deux ans ;

Considérant qu'en permettant de ne pas tenir compte, pour l'application de la règle selon laquelle il est interdit d'exercer plus de deux mandats consécutifs dans le même conseil, des mandats déjà exercés, quelle qu'en soit la raison, pendant une durée inférieure à deux ans, les auteurs du règlement intérieur ont méconnu les dispositions précitées du décret du 2 septembre 1996 ; que, dès lors, le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables était tenu de faire droit à la demande de modification de l'article 4 du règlement intérieur qui lui avait été présentée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant enfin que la circonstance que les prochaines élections aux conseils régionaux de l'Ordre des experts-comptables doivent avoir lieu au mois de novembre 2004 et les élections au conseil supérieur en février 2005 ne saurait justifier qu'il soit, en l'espèce, dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses ; qu'il appartiendra au conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, dans le plus bref délai, de soumettre à l'agrément du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'éducation nationale une nouvelle rédaction de l'article 4 du règlement intérieur conforme au décret du 2 septembre 1996 ; qu'il reviendra en outre aux présidents des conseils de l'ordre, dans l'hypothèse où cet agrément n'aurait pu être donné avant la réception des déclarations de candidature, d'informer de leur inéligibilité les candidats qui se trouveraient dans la situation visée à l'article 4 du règlement intérieur sans pour autant remplir les conditions d'éligibilité fixées par le décret du 2 septembre 1996 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du syndicat des experts-comptables de France est admise.

Article 2 : La décision du Conseil de l'Ordre des experts-comptables du 10 décembre 2003 est annulée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X, à Mme Agnès Y, à M. Claude Z, à M. Jean-Claude A, à M. Michel C, à M. Jean-Louis B, au Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables et au syndicat des experts-comptables de France.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2004, n° 264284
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 28/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 264284
Numéro NOR : CETATEXT000008175042 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-28;264284 ?
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