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29/09/2004 | FRANCE | N°272552

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 29 septembre 2004, 272552


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 2004, présentée par le préfet de la Marne, dont le siège est Préfecture de la Marne, à Châlons-en-Champagne (51036) ; le préfet de la Marne demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 9 septembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lui a enjoint de surseoir à l'exécution de l'arrêté de reconduite à

la frontière du 21 avril 2004 pris à l'encontre de M. Burhan Y jusqu'à ce que...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 2004, présentée par le préfet de la Marne, dont le siège est Préfecture de la Marne, à Châlons-en-Champagne (51036) ; le préfet de la Marne demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 9 septembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lui a enjoint de surseoir à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière du 21 avril 2004 pris à l'encontre de M. Burhan Y jusqu'à ce que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ait statué sur la légalité du refus de séjour opposé à l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

il soutient que les règles particulières du contentieux de la reconduite à la frontière excluent la possibilité de saisir en cette matière le juge des référés ; que M. Y, qui n'avait pas déféré à l'invitation qui lui avait été faite de quitter le territoire dans le délai d'un mois, pouvait faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que l'arrêté pris à son encontre n'est pas contraire aux stipulations de la convention sur les droits de l'enfant ; que l'urgence n'est de toute façon pas établie ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2004, présenté par M. Y ; il tend au rejet de la requête ; M. Y soutient que sa situation familiale a évolué depuis les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours ; qu'il a eu, en effet, avec son épouse, qui est comme lui de nationalité turque et qui est titulaire d'une carte de résident, un enfant né le 13 février 2004 ; qu'au regard tant de l'intérêt de cet enfant, protégé par l'article 3 de la convention relative au droits de l'enfant, que du droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, un doute sérieux existe quant à la légalité du refus de séjour et de l'arrêté de reconduite à la frontière qu'il conteste ; qu'il a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour interjeter appel devant le Conseil d'Etat du jugement rendu sur la légalité de cet arrêté ; que la condition d'urgence est remplie ; qu'il appartient dans ces conditions au juge des référés de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant faite à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le préfet de la Marne et, d'autre part, Monsieur Burhan Y ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mardi 28 septembre 2004 à 17 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du préfet de la Marne ;

- Me COUTARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Monsieur Burhan Y ;

Considérant que M. Burhan Y, ressortissant turc, est entré en France de manière irrégulière le 21 août 2001 ; qu'après que l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé, par une décision du 14 janvier 2003, confirmée le 3 novembre 2003 par la commission des recours des réfugiés, l'admission au statut de réfugié, le préfet de la Marne l'a invité, par une décision du 12 novembre 2003, notifiée le 11 décembre 2003, à quitter le territoire dans le délai d'un mois ; que, M. Y n'ayant pas déféré à cette invitation, le préfet a pris à son encontre, le 21 avril 2004, un arrêté de reconduite à la frontière ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté, le 24 mai 2004, la demande d'annulation de cet arrêté présentée par M. Y ; qu'en revanche, par l'ordonnance dont le préfet de la Marne interjette appel, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au préfet de surseoir à l'exécution de cet arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur la légalité du refus de séjour opposé à M. Y ; que, par ailleurs, M. Y a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour interjeter appel devant le Conseil d'Etat du jugement du 24 mai 2004 rendu sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière dont il a été l'objet ;

Considérant que, par les dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité d'un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d'un étranger ; que cette procédure se caractérise notamment par le fait que l'arrêté ne peut pas être mis à exécution pendant le délai du recours contentieux ouvert à son encontre et qu'une demande présentée devant le président du tribunal administratif et tendant à l'annulation de cet arrêté a un effet suspensif jusqu'à ce qu'il ait été statué sur elle ; qu'ainsi un arrêté de reconduite à la frontière n'est pas justiciable, devant le juge des référés, de la procédure instituée par les dispositions du titre V du code de justice administrative ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l'exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l'intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution ;

Considérant qu'en l'espèce aucun changement de droit ou de fait n'est intervenu depuis l'arrêté du 21 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Y ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accueilli la demande de M. Y tendant à ce qu'il ordonne, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, que l'exécution de cet arrêté soit suspendue ;

Considérant toutefois que l'administration a toujours la possibilité de régulariser la situation d'un étranger en situation irrégulière ; qu'il a été indiqué, lors des débats oraux au cours de la séance publique, que l'autorité préfectorale examinerait dans les meilleurs délais la demande de régularisation présentée par M. Y et tiendrait notamment compte de ce que l'intéressé est marié avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et qui exerce une activité professionnelle, de ce qu'un enfant est né en France de leur union le 13 février 2004 et de ce que M. Y n'a jamais par son comportement troublé l'ordre public ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 9 septembre 2004 est annulée.

Article 2 : La requête présentée par M. Burhan Y devant le juge des référés tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le préfet de la Marne examinera la demande de régularisation de la situation de M. Y dans les conditions rappelées par les motifs de la présente ordonnance.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de la Marne, à M. Burhan Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - QUESTIONS COMMUNES - RECEVABILITÉ - POSSIBILITÉ D'INTRODUIRE UN RÉFÉRÉ EN MATIÈRE DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - CONDITIONS [RJ1].

54-035-01-02 Par les dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité d'un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d'un étranger. Ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière n'est pas justiciable, devant le juge des référés, de la procédure instituée par le livre V du code de justice administrative. Il n'en va autrement que dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l'exécution de l'arrêté comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l'intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE MESURES NÉCESSAIRES À LA SAUVEGARDE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE (ARTICLE L 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - VOIES DE RECOURS - ORDONNANCE SUSPENDANT UN ARRÊTÉ DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - APPEL - QUALITÉ - EXISTENCE - PRÉFET (SOL - IMPL - ).

54-035-03-05 Un préfet a qualité pour faire appel d'une ordonnance prononçant la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-2 du CJA, de l'exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière.


Références :

[RJ1]

Cf. 21 novembre 2001, Zhary, p. 563.


Publications
Proposition de citation: CE, 29 sep. 2004, n° 272552
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 29/09/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 272552
Numéro NOR : CETATEXT000008170344 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-09-29;272552 ?
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