La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2004 | FRANCE | N°250715

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 06 octobre 2004, 250715


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 octobre 2002 et 29 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. DAUNAT, dont le siège est ... ; la S.A. DAUNAT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête aux fins de réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er octobre 1989 au 31 janvier 1993 ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la réduction

de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 octobre 2002 et 29 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. DAUNAT, dont le siège est ... ; la S.A. DAUNAT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête aux fins de réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er octobre 1989 au 31 janvier 1993 ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la réduction de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 388/CEE du Conseil des Communautés européennes, du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Hourdin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la S.A. DAUNAT,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nantes que la S.A. DAUNAT, qui a pour activité la confection et la vente, notamment à une clientèle de stations-service autoroutières, de plats de restauration rapide, a, durant la période du 1er octobre 1989 au 31 janvier 1993 sur laquelle a porté, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, la vérification de sa comptabilité, accordé à ses revendeurs, en vue de les inciter à accroître la distribution de ses produits, des gratifications calculées en proportion du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec chacun d'eux, et revêtant la forme, ordinairement, de chèques-cadeaux constitués par des bons d'achat qu'elle avait acquis auprès d'entreprises de vente par correspondance, et, plus exceptionnellement, d'un engagement de sa part à régler un achat, d'un certain montant, qu'ils effectueraient dans le magasin de détail de leur choix ; que, lors de la vérification de sa comptabilité, l'administration a constaté qu'elle avait, notamment, déduit de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable à raison de ses ventes une somme de 290 135 F, correspondant aux taxes mentionnées sur six factures émanant de la société La Redoute et relatives à la délivrance par celle-ci de bons d'achat, et une somme de 1 978 F, correspondant à la taxe figurant sur la facture établie par un magasin de détail ; que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux procède de ce que l'administration a dénié à la S.A. DAUNAT le droit d'opérer ces déductions, en se fondant sur les dispositions de l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts, aux termes duquel : N'est pas déductible la taxe ayant grevé : 1° des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur... ; que, par l'arrêt contre lequel la S.A. DAUNAT se pourvoit, la cour administrative d'appel a jugé bien fondé le redressement contesté ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 238 de l'annexe II au code général des impôts ont pour objet d'exclure la déduction de la taxe qui a grevé des biens dont la cession a été consentie par l'assujetti dans l'intérêt de son exploitation, mais sans la contrepartie directe d'une rémunération notable ; que, si, comme le fait valoir la S.A. DAUNAT, la rémunération peut, éventuellement, être constituée par le bénéfice d'une prestation de service reçue du cessionnaire, la cour administrative d'appel n'a, contrairement à ce qu'elle soutient, pas commis d'erreur de droit, en déduisant des circonstances susrelatées de l'espèce que, bien que les gratifications accordées par elle à ses clients fussent calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé avec chacun d'eux, ceux-ci ne pouvaient être regardés comme lui ayant fourni la contrepartie de prestations de services constitutives d'une rémunération ;

Mais considérant, en second lieu, que les biens visés à l'article 238-1° de l'annexe II au code général des impôts, s'entendent, compte tenu des objectifs de la VIème directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, de biens meubles corporels ; que, pour écarter le moyen tiré par la S.A. DAUNAT de ce que les bons d'achat émanant de la société La Redoute et remis par elle à ses clients ne revêtaient pas ce caractère, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que ces bons, dont il n'était pas établi que certains aient été utilisés à d'autres fins que l'acquisition de biens corporels, devaient être assimilés aux biens, de cette nature, dont ils permettraient l'obtention ; qu'en statuant ainsi, alors que de tels bons constituent de simples documents comportant, de la part de leur émetteur, la reconnaissance à leur porteur d'un avoir dans ses comptes, à valoir sur le prix d'un bien ou d'un service proposé dans son catalogue, et dont ce porteur viendrait à lui commander la livraison ou l'exécution, la cour administrative d'appel a, comme le soutient la S.A. DAUNAT, fondé sa décision, en ce qui concerne la fraction du rappel de taxe litigieux correspondant aux déductions opérées à raison des bons d'achat, sur une qualification juridique inexacte de ceux-ci ; que la S.A. DAUNAT est, par suite, fondée à demander que l'arrêt attaqué soit, dans cette mesure, annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est, ainsi que le soutient la S.A. DAUNAT, à tort qu'aux termes du jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif de Rennes a jugé que l'administration s'était à bon droit fondée sur les dispositions de l'article 238-1° de l'annexe II au code général des impôts pour lui refuser le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait grevé les bons d'achat acquis par elle auprès de la société La Redoute et a, en conséquence, refusé de lui accorder la décharge de la fraction correspondante du rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, et des intérêts de retard la majorant ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en remboursement des frais exposés par la S.A. DAUNAT et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 31 juillet 2002 et le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 octobre 1998 sont annulés en tant que la cour et le tribunal ont statué sur les conclusions de la requête ou de la demande de la S.A. DAUNAT relatives à une fraction, s'élevant à 292 113 F (44 532,34 euros), du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er octobre 1989 au 31 janvier 1993.

Article 2 : Il est accordé à la S.A. DAUNAT décharge des droits mentionnés à l'article 1er ci-dessus et des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la S.A. DAUNAT la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. DAUNAT et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PRESTATIONS DE SERVICES - NOTION - INCLUSION - CESSION DE BONS D'ACHAT [RJ1].

19-06-02 Le fait, pour une entreprise, de céder à ses clients des bons d'achat émis par une entreprise tierce constitue une prestation de service.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DÉDUCTIONS - BIENS OU SERVICES OUVRANT DROIT À DÉDUCTION - BIENS CÉDÉS SANS RÉMUNÉRATION OU MOYENNANT UNE RÉMUNÉRATION TRÈS INFÉRIEURE À LEUR PRIX NORMAL (ART - 238-1° DE L'ANNEXE II AU CGI) - A) CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - BIENS INCORPORELS [RJ2] - B) NOTION - INCLUSION - BIENS CÉDÉS PAR L'ASSUJETTI DANS L'INTÉRÊT DE SON EXPLOITATION - MAIS SANS LA CONTREPARTIE DIRECTE D'UNE RÉMUNÉRATION NOTABLE - QUE CETTE DERNIÈRE PRENNE OU NON LA FORME D'UNE PRESTATION DE SERVICE - C) EXISTENCE - EN L'ESPÈCE - BIENS QU'UNE ENTREPRISE CÈDE À SES CLIENTS DISTRIBUTEURS - CONDITIONS [RJ3].

19-06-02-08-03-01 a) Les biens visés à l'article 238-1° de l'annexe II au code général des impôts, s'entendent des seuls biens meubles corporels, compte tenu des objectifs poursuivis par la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil en date du 17 mai 1977.,,b) Les dispositions de l'article 238-1° mentionné ci-dessus ont pour objet d'exclure la déduction de la taxe qui a grevé des biens corporels dont la cession a été consentie par l'assujetti dans l'intérêt de son exploitation, mais sans la contrepartie directe d'une rémunération notable. Cette rémunération peut, éventuellement, être constituée par le bénéfice d'une prestation de service reçue du cessionnaire.,,c) Entre ainsi dans le champ des prévisions de l'article 238-1° la livraison de biens corporels qu'une entreprise consent à ses clients distributeurs sans exiger en échange le paiement d'aucun prix, alors même que la valeur des biens ainsi cédés est déterminée en fonction du chiffre d'affaires réalisé par l'intéressée avec chacun de ces clients, dès lors que ceux-ci distribuent les produits de l'entreprise pour leur propre compte et à leurs propres risques.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE, 24 octobre 1996, Argos, RJF 12/96 n°1499 ;

Cass. com., 6 juin 2001, La Redoute France, Bull. civ. IV n°111.,,

[RJ2]

Rappr. Assemblée, 3 février 1989, Compagnie Alitalia, p. 44.,,

[RJ3]

Rappr. 15 juin 1977, Société commerciale européenne de brasserie méditerranée, T. p. 817 ;

31 octobre 1984, n° 28759, Société Biotherm Molitg-les-Bains, inédite au recueil ;

30 décembre 2002, ministre c/ SA Rennesson, T. p. 709.


Publications
Proposition de citation: CE, 06 oct. 2004, n° 250715
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Hugues Hourdin
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 06/10/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 250715
Numéro NOR : CETATEXT000008261340 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-10-06;250715 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award