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06/10/2004 | FRANCE | N°253861

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 06 octobre 2004, 253861


Vu le recours, enregistré le 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant partiellement droit à la requête de la société Seafrance dirigée contre le jugement du 18 juin 1998 du tribunal administratif de Lille, a accordé à cette société une réduction des bases de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au

titre des années 1991 à 1993 à raison de son établissement de C...

Vu le recours, enregistré le 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant partiellement droit à la requête de la société Seafrance dirigée contre le jugement du 18 juin 1998 du tribunal administratif de Lille, a accordé à cette société une réduction des bases de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1993 à raison de son établissement de Calais ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

Vu le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Seafrance,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Douai que la société nouvelle d'armement transmanche (SNAT), devenue à compter du 1er janvier 1996 la société Seafrance, filiale d'un groupement d'intérêt économique détenu à 86 % à l'époque des faits par la SNCF, a pour activité principale le transport maritime international de passagers et de fret entre la France et la Grande-Bretagne sous le nom de Sealink ; qu'elle a été assujettie au titre des années 1991, 1992 et 1993 à raison de son établissement de Calais à des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle procédant de la réintégration dans ses bases d'imposition, d'une part de la valeur locative d'appareils de jeux automatiques installés sur ses navires par la société Associated Leisure Hire Ltd et, d'autre part, du montant des loyers qu'elle a versés à la SNCF à laquelle elle avait sous-affrété coque nue le train-ferry Nord - Pas-de-Calais ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Douai a déchargé la société Seafrance de ce supplément d'imposition ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient. / Lorsque ces biens sont pris en location, la valeur locative est égale au montant du loyer au cours de l'exercice sans pouvoir différer de plus de 20 % de celle résultant des règles fixées au premier alinéa ; les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire est passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société A.L.H. qui exploite des appareils de jeux automatiques a obtenu l'autorisation d'installer certains de ceux-ci sur les navires de la SNAT et en assure l'entretien ; que la cour n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en relevant que la société A.L.H. prélève les recettes qu'elle partage avec la société Seafrance, dès lors que les recettes étaient effectivement prélevées par la société A.L.H., et que si ces recettes étaient ensuite remises en totalité au commissaire du bord de chaque navire, celui-ci ne faisait qu'en opérer le partage et reverser sa part à la société A.L.H. ; qu'en déduisant de ces faits, par une décision suffisamment motivée, que la valeur locative des appareils de jeux automatiques ne devait pas être incluse dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société Seafrance, nonobstant l'intérêt économique que ladite société retirait de l'installation de ces appareils sur ses navires, la cour a, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes : Par affrètement coque nue, le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre, pour un temps défini, à la disposition d'un affréteur, un navire déterminé, sans armement, ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplets ; qu'aux termes de l'article 28 du décret du 31 décembre 1966 relatif également aux contrats d'affrètement et de transport maritimes : Sont à la charge de l'affréteur l'entretien du navire et les réparations et remplacements autres que ceux visés à l'article 26. L'affréteur recrute l'équipage, paie ses gages, sa nourriture et les dépenses annexes. Il supporte tous les frais d'exploitation. Il assure le navire ; qu'aux termes de l'article 26 dudit décret : Le fréteur a la charge des réparations et des remplacements dus au vice propre du navire (...) ; qu'enfin aux termes de l'article 7 de la loi précitée : Par le contrat d'affrètement à temps, le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition de l'affréteur pour un temps défini ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour l'application des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts relatifs notamment à la détermination des bases d'imposition à la taxe professionnelle, un affréteur doit être regardé comme ayant la disposition pour les besoins de son activité professionnelle d'un navire affrété coque nue ; qu'en revanche, il n'en est pas de même en cas d'affrètement ou de sous-affrètement à temps, dès lors que l'affréteur à temps, qui se borne à utiliser pendant une période déterminée un navire armé et équipé ne bénéficie que d'une prestation de service effectuée à son profit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNCF est l'affréteur coque nue du train-ferry Nord - Pas-de-Calais ; qu'elle a sous-affrété ce navire coque nue à la SNAT pour une durée de huit ans à compter du 1er juin 1990 ; que la SNAT l'a ensuite sous-affrété à temps à la SNCF pour la même période ; que, dès lors que la SNAT était sous-affréteur coque nue du navire, et nonobstant la circonstance que la SNCF en était à la fois fréteur coque nue à l'égard de la SNAT et sous-affréteur à temps pendant toute cette période de huit ans, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que la SNAT n'avait pas la disposition du train-ferry Nord - Pas-de-Calais pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander, pour ce motif et dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SNAT, sous-affréteur coque nue, doit être regardée comme ayant eu la disposition du train-ferry Nord - Pas-de-Calais pour les besoins de son activité professionnelle au sens des dispositions combinées des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts ; que, dès lors, la société Seafrance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 18 juin 1998, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que soit exclue de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle due au titre des années 1991, 1992 et 1993 à raison de son établissement de Calais la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Seafrance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 novembre 2002 est annulé en tant qu'il réduit les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société SNAT devenue Seafrance au titre des années 1991, 1992 et 1993 à raison de son établissement de Calais du montant correspondant à la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais et qu'il lui accorde la décharge correspondante.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Seafrance devant la cour administrative d'appel de Douai tendant à la décharge des cotisations résultant de l'inclusion dans ses bases de son imposition à la taxe professionnelle au titre des années 1991, 1992 et 1993 à raison de son établissement de Calais de la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Seafrance tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Seafrance.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - ASSIETTE - ENTREPRISE DE TRANSPORT MARITIME INTERNATIONAL - DÉTERMINATION DES IMMOBILISATIONS DONT L'ENTREPRISE A LA DISPOSITION POUR LES BESOINS DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE (ART - 1467-1° DU CGI) - A) APPAREILS DE JEUX AUTOMATIQUES INSTALLÉS SUR SES NAVIRES - EXCLUSION - EN L'ESPÈCE - B) NAVIRES AFFRÉTÉS À DES TIERS - 1) INCLUSION - NAVIRES AFFRÉTÉS COQUE NUE (ART - 10 DE LA LOI DU 18 JUIN 1966) - 2) EXCLUSION - NAVIRES AFFRÉTÉS À TEMPS (ART - 7 DE CETTE LOI).

19-03-04-04 Entreprise de transport maritime international de passagers et de fret assujettie à la taxe professionnelle, à raison de son établissement français.... ...a) N'entre pas dans la base de cette imposition la valeur locative d'appareils de jeux automatiques installés sur les navires de l'entreprise par une société tierce, dès lors que cette dernière entretient les appareils, en prélève les recettes avant de les partager avec l'entreprise et en conserve ainsi la disposition pour les besoins de sa propre activité professionnelle, au sens et pour l'application de l'article 1467-1° du code général des impôts, nonobstant l'intérêt économique que l'entreprise retire de cette installation.,,b) 1) Il résulte des prévisions des articles 7 et 10 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, combinées aux dispositions des articles 26 et 28 du décret du 31 décembre 1966 pris pour l'application de cette loi, que pour déterminer les bases d'imposition à la taxe professionnelle, confomément aux dispositions des articles 1467 et 1469-3° du code général des impôts, un affréteur doit être regardé comme ayant la disposition pour les besoins de son activité professionnelle d'un navire affrété coque nue.... ...2) Il en va différemment en cas d'affrètement ou de sous-affrètement à temps, dès lors que l'affréteur à temps, qui se borne à utiliser pendant une période déterminée un navire armé et équipé, ne bénéficie que d'une prestation de service effectuée à son profit.

TRANSPORTS - TRANSPORTS MARITIMES - ENTREPRISE DE TRANSPORT INTERNATIONAL - IMPOSITION À LA TAXE PROFESSIONNELLE EN FRANCE - DÉTERMINATION DES IMMOBILISATIONS DONT L'ENTREPRISE A LA DISPOSITION POUR LES BESOINS DE SON ACTIVITÉ (ART - 1467-1° DU CGI) - A) APPAREILS DE JEUX AUTOMATIQUES INSTALLÉS SUR SES NAVIRES - EXCLUSION - EN L'ESPÈCE - B) NAVIRES AFFRÉTÉS À DES TIERS - 1) INCLUSION - NAVIRES AFFRÉTÉS COQUE NUE (ART - 10 DE LA LOI DU 18 JUIN 1966) - 2) EXCLUSION - NAVIRES AFFRÉTÉS À TEMPS (ART - 7 DE CETTE LOI).

65-06 Entreprise de transport maritime international de passagers et de fret assujettie à la taxe professionnelle, à raison de son établissement français.... ...a) N'entre pas dans la base de cette imposition la valeur locative d'appareils de jeux automatiques installés sur les navires de l'entreprise par une société tierce, dès lors que cette dernière entretient les appareils, en prélève les recettes avant de les partager avec l'entreprise et en conserve ainsi la disposition pour les besoins de sa propre activité professionnelle, au sens et pour l'application de l'article 1467-1° du code général des impôts, nonobstant l'intérêt économique que l'entreprise retire de cette installation.,,b) 1) Il résulte des prévisions des articles 7 et 10 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, combinées aux dispositions des articles 26 et 28 du décret du 31 décembre 1966 pris pour l'application de cette loi, que pour déterminer les bases d'imposition à la taxe professionnelle, confomément aux dispositions des articles 1467 et 1469-3° du code général des impôts, un affréteur doit être regardé comme ayant la disposition pour les besoins de son activité professionnelle d'un navire affrété coque nue.... ...2) Il en va différemment en cas d'affrètement ou de sous-affrètement à temps, dès lors que l'affréteur à temps, qui se borne à utiliser pendant une période déterminée un navire armé et équipé, ne bénéficie que d'une prestation de service effectuée à son profit.


Références :



Publications
Proposition de citation: CE, 06 oct. 2004, n° 253861
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 06/10/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 253861
Numéro NOR : CETATEXT000008240409 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-10-06;253861 ?
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