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06/10/2004 | FRANCE | N°253864

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 06 octobre 2004, 253864


Vu le recours, enregistré le 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Seafrance, d'une part, annulé le jugement du 3 mai 2001 du tribunal administratif de Rouen rejetant ses demandes tendant à la réduction des compléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 1991 et

1992 à raison de son établissement de Dieppe, et, d'autre p...

Vu le recours, enregistré le 4 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la société Seafrance, d'une part, annulé le jugement du 3 mai 2001 du tribunal administratif de Rouen rejetant ses demandes tendant à la réduction des compléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 à raison de son établissement de Dieppe, et, d'autre part, accordé à cette société une réduction des bases de la taxe professionnelle correspondant aux montants de la valeur locative des appareils de jeux installés sur ses navires et du train-ferry Nord-Pas-de-Calais ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

Vu le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Seafrance,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Douai que la société nouvelle d'armement transmanche (SNAT), devenue à compter du 1er janvier 1996 la société Seafrance, filiale d'un groupement d'intérêt économique détenu à 86 % à l'époque des faits par la SNCF, a pour activité principale le transport maritime international de passagers et de fret entre la France et la Grande-Bretagne sous le nom de Sealink ; qu'elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 à raison de son établissement de Dieppe à des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle procédant de la réintégration dans ses bases d'imposition, d'une part de la valeur locative d'appareils de jeux automatiques installés sur ses navires par la société Associated Leisure Hire Ltd et, d'autre part, du montant des loyers qu'elle a versés à la SNCF à laquelle elle avait sous-affrété coque nue le train-ferry Nord - Pas-de-Calais ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Douai a déchargé la société Seafrance de ce supplément d'imposition ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient. / Lorsque ces biens sont pris en location, la valeur locative est égale au montant du loyer au cours de l'exercice sans pouvoir différer de plus de 20 % de celle résultant des règles fixées au premier alinéa ; les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire est passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société A.L.H. qui exploite des appareils de jeux automatiques a obtenu l'autorisation d'installer certains de ceux-ci sur les navires de la SNAT et en assure l'entretien ; que la cour n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en relevant que la société A.L.H. prélève les recettes qu'elle partage avec la société Seafrance, dès lors que les recettes étaient effectivement prélevées par la société A.L.H., et que si ces recettes étaient ensuite remises en totalité au commissaire du bord de chaque navire, celui-ci ne faisait qu'en opérer le partage et reverser sa part à la société A.L.H. ; qu'en déduisant de ces faits, par une décision suffisamment motivée, que la valeur locative des appareils de jeux automatiques ne devait pas être incluse dans les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société Seafrance, nonobstant l'intérêt économique que ladite société retirait de l'installation de ces appareils sur ses navires, la cour a, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes : Par affrètement coque nue, le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre, pour un temps défini, à la disposition d'un affréteur, un navire déterminé, sans armement, ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplets ; qu'aux termes de l'article 28 du décret du 31 décembre 1966 relatif également aux contrats d'affrètement et de transport maritimes : Sont à la charge de l'affréteur l'entretien du navire et les réparations et remplacements autres que ceux visés à l'article 26. L'affréteur recrute l'équipage, paie ses gages, sa nourriture et les dépenses annexes. Il supporte tous les frais d'exploitation. Il assure le navire ; qu'aux termes de l'article 26 dudit décret : Le fréteur a la charge des réparations et des remplacements dus au vice propre du navire (...) ; qu'enfin aux termes de l'article 7 de la loi précitée : Par le contrat d'affrètement à temps, le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition de l'affréteur pour un temps défini ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour l'application des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts relatifs notamment à la détermination des bases d'imposition à la taxe professionnelle, un affréteur doit être regardé comme ayant la disposition pour les besoins de son activité professionnelle d'un navire affrété coque nue ; qu'en revanche, il n'en est pas de même en cas d'affrètement ou de sous-affrètement à temps, dès lors que l'affréteur à temps, qui se borne à utiliser pendant une période déterminée un navire armé et équipé ne bénéficie que d'une prestation de service effectuée à son profit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNCF est l'affréteur coque nue du train-ferry Nord - Pas-de-Calais ; qu'elle a sous-affrété ce navire coque nue à la SNAT pour une durée de huit ans à compter du 1er juin 1990 ; que la SNAT l'a ensuite sous-affrété à temps à la SNCF pour la même période ; que, dès lors que la SNAT était sous-affréteur coque nue du navire, et nonobstant la circonstance que la SNCF en était à la fois fréteur coque nue à l'égard de la SNAT et sous-affréteur à temps pendant toute cette période de huit ans, la cour administrative d'appel de Douai a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que la SNAT n'avait pas la disposition du train-ferry Nord - Pas-de-Calais pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander, pour ce motif et dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SNAT, sous-affréteur coque nue, doit être regardée comme ayant eu la disposition du train-ferry Nord - Pas-de-Calais pour les besoins de son activité professionnelle au sens des dispositions combinées des articles 1467 et 1469-3° précités du code général des impôts ; que, dès lors, la société Seafrance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 3 mai 2001, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que soit exclue de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle due au titre des années 1991 et 1992 à raison de son établissement de Dieppe la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Seafrance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 novembre 2002 est annulé en tant qu'il réduit les bases d'imposition à la taxe professionnelle de la société SNAT devenue Seafrance au titre des années 1991 et 1992 à raison de son établissement de Dieppe du montant correspondant à la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais et qu'il lui accorde la décharge correspondante.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Seafrance devant la cour administrative d'appel de Douai tendant à la décharge des cotisations résultant de l'inclusion dans ses bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre des années 1991 et 1992 à raison de son établissement de Dieppe de la valeur locative du train-ferry Nord - Pas-de-Calais sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Seafrance tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Seafrance.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 253864
Date de la décision : 06/10/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2004, n° 253864
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:253864.20041006
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