Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 6 février 2003, en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays à destination duquel M. Toufik A sera reconduit ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'elles sont dirigées contre cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y serait exposé à des traitements dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements inhumains ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, commerçant, a fait l'objet de menaces de la part de personnes se présentant comme appartenant à la mouvance islamiste et que des membres de sa famille ont été assassinés ; qu'ainsi, et nonobstant le fait que l'asile territorial lui a été refusé, il pourrait personnellement être exposé en cas de retour en Algérie à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le PREFET DE LA GIRONDE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé, pour ce motif, sa décision du 6 février 2003 fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il sera reconduit ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinés de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie ce dernier, demande sur le fondement de ces dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du PREFET DE LA GIRONDE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie M. A.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à M. Toufik A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.