La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2004 | FRANCE | N°249397

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 20 octobre 2004, 249397


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S., dont le siège est 3, résidence du champ de l'Aire à Mayenne (53100), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 14 juin 2002 déclarant d'utilité publique les travaux de mise aux normes des routes express de la RN 162 entre Laval et l'autoroute A 81, puis au sud de Moulay sur les communes de Commer et Moulay et de sa déviation sur la commune de Sacé, puis en

tre le sud de Moulay et le nord de Mayenne, portant mise en compatibili...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S., dont le siège est 3, résidence du champ de l'Aire à Mayenne (53100), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 14 juin 2002 déclarant d'utilité publique les travaux de mise aux normes des routes express de la RN 162 entre Laval et l'autoroute A 81, puis au sud de Moulay sur les communes de Commer et Moulay et de sa déviation sur la commune de Sacé, puis entre le sud de Moulay et le nord de Mayenne, portant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols des communes d'Aron, Commer, Mayenne, Moulay et Sacé et conférant le caractère de routes express à certaines parties de cette route ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 85/337/CE du Conseil du 27 juin 1985 modifiée par la directive 97/11/CE du 3 mars 1997 ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2002-276 du 27 juin 2002 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 151-2 du code de la voirie routière : Le caractère de route express est conféré à une route ou à une section de route, existante ou à créer, par décret en Conseil d'Etat. S'il s'agit d'une route nouvelle, ce décret peut, le cas échéant, emporter déclaration d'utilité publique. Il est alors pris après enquête publique et avis des départements et des communes dont le territoire est traversé par la route ; que ces dispositions, que la loi du 27 février 2002 n'a eu ni pour objet ni pour effet d'abroger, contrairement à ce que soutient l'association requérante, donnaient compétence au Premier ministre pour conférer, par décret en Conseil d'Etat, le caractère de route express à la section de la RN 162 comprise entre Laval et Mayenne ; que ce décret pouvait aussi, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 151-2 du code de la voirie routière, emporter déclaration d'utilité publique de cette section qui, en raison des modifications substantielles de son tracé, présentait le caractère d'une route nouvelle ;

Considérant que les dispositions du 1. de l'article 9 de la directive n° 85/337/CE du Conseil du 27 juin 1985 modifiée ont été, par la loi du 27 février 2002, transposées en droit interne dans l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation publique qui dispose : 3. L'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'avoir été modifié dans le délai de transposition de la directive, le code de l'expropriation sur le fondement duquel a été pris le décret attaqué serait devenu incompatible avec les objectifs de la directive, doit être écarté ; qu'il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué était accompagné d'un document exposant les motifs et les considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : ... 4º Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; qu'au stade de l'enquête publique, les documents soumis à l'enquête ont pour objet non de décrire en détail les ouvrages envisagés mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus ainsi que les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants ; que celles-ci, au nombre desquelles figurent les emplacements des échangeurs et des demi-échangeurs, étaient décrites avec une précision suffisante dans la notice explicative et ressortaient suffisamment du plan au 1/25 000 joint au dossier d'enquête ; que si l'association requérante fait valoir que le dossier d'enquête publique ne comportait pas d'indications suffisamment précises sur l'emplacement et les caractéristiques de certaines aires de repos et d'ouvrages d'art nouveau franchissant la RN 162, il ressort des pièces du dossier que ces ouvrages ne sont pas au nombre des ouvrages les plus importants du projet ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique ne comportait pas, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-3-1 du code de l'expropriation pour utilité publique, les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, doit être écarté ;

Considérant que la disjonction de la déviation de Martigné a été motivée par la nécessité de reprendre l'enquête publique sur la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols qui avait fait l'objet d'une révision postérieurement à l'enquête relative au projet litigieux ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait intervenu sur une procédure irrégulière ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant que la circonstance qu'un projet distinct portant sur la construction d'une déviation de Moulay à Mayenne avait fait l'objet d'une enquête publique en 1998 et avait été abandonné à la suite d'un avis défavorable du commissaire-enquêteur ne faisait pas obstacle à l'organisation par les autorités compétentes d'une nouvelle enquête publique en vue de déclarer d'utilité publique le projet litigieux ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 : L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; / 3° Les motifs pour lesquels parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; / 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que leurs conditions d'exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables ; / 5° Le cas échéant l'avis prévu à l'article 18. L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers ;

Considérant que le dossier soumis à l'enquête publique comporte dans la partie consacrée à l'évaluation économique et sociale une analyse des données relatives à la démographie, à l'emploi, au logement, aux activités économiques, à l'offre et à la demande de transport ; que les estimations chiffrées figurant au dossier sont suffisantes pour permettre au public d'apprécier les conséquences du projet ; qu'en particulier le dossier contient une appréciation sommaire des dépenses et présente une analyse précise de la rentabilité économique de l'opération ; qu'il contient également une estimation des coûts d'exploitation et d'entretien du projet ainsi que de ses conditions de financement ; que le dossier envisage les solutions alternatives à un aménagement routier ; que notamment il écarte l'hypothèse d'une desserte ferroviaire et fait état de la désaffectation de la voie ferrée et de l'insuffisance de la clientèle et du fret ; qu'il résulte de ce qui précède que l'étude d'évaluation jointe au dossier d'enquête comporte l'ensemble des informations requises par l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 précité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 12 octobre 1977, dans ses dispositions applicables à la date du décret attaqué : ...la dénomination précise et complète du ou des auteurs de l'étude doit figurer sur le document final ; que les personnes morales, auteurs de l'étude d'impact, sont expressément désignées dans le dossier ; que cette indication, alors même que ne sont pas mentionnées les personnes physiques ayant contribué à l'étude, satisfait aux dispositions précitées du décret du 12 octobre 1977 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / L'étude d'impact présente successivement : (...) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et les paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (...) ou sur l'hygiène, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage (...) pour supprimer, réduire et si possible compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la partie E du dossier soumis à enquête publique, que l'étude d'impact comporte une étude de l'état initial du site suffisante ; que si elle fait état de l'existence d'une faune et d'une flore caractérisées par un riche patrimoine, elle n'avait pas à mentionner des espèces botaniques ou animales particulières pour le seul motif que certaines se trouvaient présentes dans la région intéressée par le projet ; que si l'étude d'impact n'évoque pas les grenouilles, les serpents et les insectes, l'association requérante n'apporte pas d'éléments établissant la présence dans cette zone d'espèces particulières relevant de l'arrêté du 22 juillet 1993 qui fixe la liste des amphibiens et reptiles protégés ; qu'elle contient une analyse suffisante des effets du projet sur l'environnement ; que si l'association requérante invoque l'absence de données précises sur le climat, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait susceptible d'affecter le climat ou les micro-climats ; que l'impact du projet sur la qualité de l'air est analysé et les moyens mis en oeuvre pour en limiter les effets négatifs sont exposés ; que le dossier d'enquête mentionne l'existence des nuisances sonores susceptibles d'être engendrées par le projet pour les habitations situées à proximité de la voie nouvelle et expose les mesures envisagées pour en limiter l'impact ; que l'étude a pris en compte l'impact sur le cheminement des animaux, dont la plupart vivent à l'état domestique dans des exploitations agricoles ; qu'il ne ressort pas du dossier que le projet affecte des sites de nidification d'oiseaux remarquables ; que l'étude d'impact procède ainsi à une analyse suffisante des éléments énumérés par le décret du 12 octobre 1977 ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à l'environnement et à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction d'une liaison par voie rapide à deux fois deux voies de Laval à Mayenne entend remédier à l'encombrement de la R.N. 162 en adaptant la voie à la densité du trafic des poids lourds et en assurant la sécurité des usagers ; que l'exclusion de la déviation de Martigné-sur-Mayenne ne remet en cause ni la rentabilité économique ni l'utilité publique du projet ; qu'eu égard tant à l'intérêt de l'opération qu'aux précautions prises pour la préservation de l'environnement et la protection du site, les inconvénients qu'elle présente, notamment en ce qui concerne le bruit pour certaines habitations riveraines, ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;

Considérant que si l'association requérante soutient que d'autres tracés auraient offert les mêmes avantages que le tracé retenu au prix d'inconvénients moindres pour l'environnement, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier le choix fait par l'auteur du décret contesté du tracé retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S. doit être rejetée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION T.R.A.C.E.S., au Premier ministre, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au ministre de l'écologie et du développement durable et aux maires des communes d'Aron, de Commer, de Mayenne, de Moulay et de Sacé.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 oct. 2004, n° 249397
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Date de la décision : 20/10/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 249397
Numéro NOR : CETATEXT000008259740 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-10-20;249397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award