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20/10/2004 | FRANCE | N°266993

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 20 octobre 2004, 266993


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Temel X demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2004 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté

pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône la délivran...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Temel X demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2004 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. X ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 octobre 2003, de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 septembre 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;

Mais considérant que M. X, entré en France en 1999, y a été rejoint en octobre 2000 par son épouse, qui est, comme lui, de nationalité turque et d'origine kurde ; qu'il ressort d'un certificat médical circonstancié versé au dossier qu'à son arrivée en France, Mme X présentait des traces de graves violences dont elle avait été victime ; que M. et Mme X ont eu deux enfants nés en France en mars 2002 puis en mai 2003 ; que, dans ces conditions, et alors même que les demandes d'admission au statut de réfugié de M. et de Mme X ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la commission de recours des réfugiés, la décision de reconduire à la frontière M. X porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que M. X est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en a prononcé l'annulation ;

Considérant que l'exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière implique que l'administration réexamine la situation de l'intéressé ; qu'en l'espèce il y a lieu de prescrire au préfet des Bouches-du-Rhône de se prononcer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, et au regard des motifs de cette décision, sur la demande de titre de séjour présentée par M. X ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 29 mars 2004 et l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 24 mars 2004 par le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de M. X sont annulés.

Article 2 : Le préfet des Bouches-du-Rhône se prononcera, au regard des motifs de la présente décision, sur la demande de titre de séjour présentée par M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Temel X, au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 266993
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2004, n° 266993
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:266993.20041020
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