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22/10/2004 | FRANCE | N°265637

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 22 octobre 2004, 265637


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Lalla Z... A, épouse B, demeurant ... ; Mme A, épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2004 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa reconduite à la frontière et son placement en rétention administ

rative ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Lalla Z... A, épouse B, demeurant ... ; Mme A, épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2004 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa reconduite à la frontière et son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 janvier 2004, de la décision du préfet des Pyrénées-Orientales du 7 janvier 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par un arrêté du 6 janvier 2003 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de janvier 2003, M. André X..., secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales et auteur de l'acte attaqué, a reçu délégation du préfet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Orientales et, notamment, des arrêtés de reconduite à la frontière (...) ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente n'est pas fondé ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet des Pyrénées-Orientales du 7 janvier 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que, par un arrêté du 29 août 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, M. Jean-Pierre Y..., directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture des Pyrénées-Orientales et auteur de l'acte attaqué, a reçu délégation du préfet pour signer notamment les refus de séjour ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité incompétente n'est pas fondé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° ci-dessus est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut accorder le renouvellement du titre ;

Considérant, d'une part, que si Mme A, épouse B soutient qu'elle a rompu la communauté de vie avec son époux en raison des violences conjugales qu'il lui faisait subir, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 9 octobre 2003, l'époux de l'intéressée a été relaxé de ce chef ; qu'ainsi, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions susmentionnées, refuser d'accorder à Mme A, épouse B le renouvellement de son titre de séjour ; que, d'autre part, si Mme A, épouse B fait valoir qu'elle vit avec un ressortissant français depuis juin 2003, qu'elle est parfaitement intégrée en France où elle suit un stage de validation de son diplôme d'infirmière, il ne ressort pas toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme A, épouse B en France, dont les trois enfants et la mère demeurent au Maroc, le préfet des Pyrénées-Orientales ait, en refusant de lui renouveler son titre de séjour, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui n'a pas commis d'erreur de droit, n'a méconnu ni les dispositions précitées de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que l'article 12 quater de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 prévoit que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour. La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 de l'ordonnance, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre le cas de Mme A, épouse B à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les motifs ci-dessus énoncés, que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B aurait méconnu tant les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative de Mme A, épouse B :

Considérant que, par un arrêté du 6 janvier 2003 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de janvier 2003, M. André X..., secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales et auteur de l'acte attaqué, a reçu délégation du préfet pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Orientales, à l'exception de quelques cas limitatifs ; que les décisions de placement en rétention administrative ne sont pas mentionnées dans ces exceptions ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente n'est pas fondé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : I - Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) La décision de placement est prise par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) ;

Considérant que la circonstance que Mme A, épouse B est titulaire d'un passeport et qu'elle se trouvait, à la date de la décision attaquée, hébergée chez un concubin, ne suffit pas, à établir que cette décision aurait été prise en méconnaissance de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative : Les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative bénéficient d'actions d'accueil, d'information, de soutien moral et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, pour lesquelles l'Etat dispose de l'office des migrations internationales. Une convention détermine les conditions d'affectation et d'intervention des agents de cet établissement. Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, l'Etat passe une convention avec une association à caractère national ayant pour objet la défense des droits des étrangers ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convention prévue par les dispositions précitées a été signée le 14 mars 2002 par le ministre de l'emploi et de la solidarité et le président de la CIMADE, association à caractère national ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision préfectorale de mise en rétention serait illégale pour avoir décidé le placement en rétention dans un centre qui n'avait pas donné lieu à la convention prévue par les dispositions de l'article 5 du décret du 19 mars 2001 précité manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A, épouse B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A, épouse B demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La demande de Mme A, épouse B est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Lalla Z... A, épouse B, au préfet des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 oct. 2004, n° 265637
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vidal
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 22/10/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 265637
Numéro NOR : CETATEXT000008263007 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-10-22;265637 ?
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