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03/11/2004 | FRANCE | N°260942

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 03 novembre 2004, 260942


Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 7 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Lasila X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pi

ces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et...

Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 7 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Lasila X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marisol Touraine, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour annuler la décision litigieuse, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois qu'il ne ressort des pièces du dossier que M. X, entré en France depuis moins de 3 ans à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire, âgé de 19 ans, et ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dès lors, malgré la circonstance, à la supposer établie, que le père et les cinq frères et soeurs de l'intéressé résident régulièrement en France, compte-rendu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS en date du 7 septembre 2003 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 7 septembre 2003 du PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la méconnaissance du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. X justifiait être entré régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. X, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article 22 qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, M. X se trouvait dans la situation où, en application du 2° du I de l'article 22, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant, enfin, que si M. X soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 7 septembre 2003 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 12 septembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à M. Lasila X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 260942
Date de la décision : 03/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 nov. 2004, n° 260942
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Marisol Touraine
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:260942.20041103
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