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10/11/2004 | FRANCE | N°249504

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 10 novembre 2004, 249504


Vu le recours, enregistré le 9 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours contre un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 1997 accordant à la S.A. Holding Henri X... une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988, et, faisant droit aux conclu

sions d'appel incident de la société, lui a accordé la décharge ...

Vu le recours, enregistré le 9 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours contre un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 1997 accordant à la S.A. Holding Henri X... une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988, et, faisant droit aux conclusions d'appel incident de la société, lui a accordé la décharge de cette imposition ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Daniel Fabre, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Jacoupy, avocat de la S.A. Holding Henri X...,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Bordeaux que la S.C.I. X..., dont la S.A. Holding Henri X... détenait 920 et Mme X... 880 des 1 800 parts, a, par acte authentique du 27 juillet 1988 consécutif à sa dissolution, fait l'objet d'une liquidation amiable qui a comporté le partage entre les coassociés des immeubles dont elle était propriétaire ; que, sur la base de l'estimation faite par un expert de la valeur de chacun de ces immeubles, les parties sont convenues de l'attribution de vingt d'entre eux à la S.A. Holding Henri X..., moyennant le versement à Mme X..., attributaire des cinq autres, d'une soulte de 1 120 952 F ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la S.C.I. X..., l'administration a remis en cause les comptes de sa liquidation, notamment et principalement en ce qui concerne la valeur de deux studios compris dans le lot de Mme Heuliez, et qui, selon elle, avaient été sous-estimés ; qu'elle a, en conséquence, regardé la soulte versée à cette dernière par la S.A. Holding Henri X... comme excessive, et constitutive d'une libéralité consentie en dehors du cadre d'une gestion commerciale normale à concurrence de 440 978 F, et a rapporté cette somme au bénéfice imposable de l'exercice clos en 1988 par la société ; que, celle-ci ayant contesté la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a, par suite, été assujettie, le tribunal administratif de Poitiers lui en a, par un jugement du 23 octobre 1997, accordé une réduction correspondant au maintien d'un rehaussement de 59 144 F, seulement, somme représentant, selon lui, l'excès de la soulte versée à Mme X..., eu égard à la valeur, inférieure de 20 % à celle arrêtée par le vérificateur, qu'il a jugée devoir être attribuée aux deux studios litigieux ; que, saisie d'un recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant à la rectification du calcul qui avait conduit le tribunal administratif à déduire de la valeur des studios, telle qu'il l'avait fixée, que la soulte versée à Mme X... n'avait été excessive que de 59 144 F, alors que, selon lui, l'excès subsistant s'établissait à 332 222 F, et de conclusions d'appel incident de la S.A. Holding Henri X... tendant, à titre principal, à la décharge des droits auxquels elle restait assujettie, la cour administrative d'appel a, par l'arrêt contre lequel le ministre se pourvoit, fait droit à ces dernières conclusions, et rejeté par voie de conséquence son propre recours ;

Considérant que, pour statuer ainsi, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que le versement par la S.A. Holding Henri X... à Mme X... d'une soulte tenue pour excessive par l'administration devait être analysé comme le paiement d'un prix anormalement élevé pour l'acquisition d'éléments d'actif immobilisé, lequel ne peut donner matière à rehaussement du bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel a eu lieu cette acquisition, dès lors que, les immobilisations acquises ayant été inscrites à l'actif pour une valeur égale à ce prix, il n'est résulté de l'exagération de celui-ci aucune diminution de la valeur de l'actif net ressortant du bilan de clôture de l'exercice, en fonction duquel ont été déterminés, conformément aux dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, les bénéfices imposables dudit exercice ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient, à bon droit, qu'au contraire de ce qu'a, ainsi, estimé la cour, la fraction excessive de la soulte versée à Mme X... par la S.A. Holding Henri X..., dans les circonstances susrelatées, en conséquence d'une sous-estimation de biens dévolus à Mme X..., n'a pas eu la contrepartie comptable d'un accroissement d'égal montant de la valeur de l'actif immobilisé du bilan de clôture de la société consécutif au partage, les biens dévolus à celle-ci ayant été inscrits à cet actif pour la valeur propre qui leur avait été reconnue lors du partage, et qu'ainsi, l'excès de la soulte a entraîné une diminution d'actif net autorisant l'administration à en opérer la réintégration partielle au bénéfice de l'exercice de son paiement ; que le ministre est, par suite, fondé à demander que l'arrêt attaqué, fondé sur un motif entaché d'erreur de droit, soit annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions du recours d'appel du ministre :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés contestée par la S.A. Holding Henri X... devant le tribunal administratif a été établie sur la base de la réintégration au bénéfice imposable de son exercice clos en 1988 de la somme de 440 978 F, regardée comme la fraction excessive, et constitutive d'une libéralité, de la soulte versée par la société à Mme
X...
, compte tenu, d'une part, de la sous-évaluation, de 577 555 F, des droits de la société sur l'actif net de la S.C.I. X... résultant de celle des deux studios compris dans le lot de Mme Heuliez, et, d'autre part, d'une rectification par le vérificateur des comptes de liquidation de la S.C.I. entraînant, par ailleurs, une réduction, de 136 577 F, de ces droits ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne remet pas en cause la pertinence de cette dernière rectification ; que, dès lors, la diminution, de 245 333 F, des droits à attribution de la S.A. Holding Henri X... qu'implique la réduction apportée par le tribunal administratif à l'évaluation que le vérificateur avait faite des deux studios doit être imputée sur la susdite somme de 440 978 F, et non sur celle de 577 555 F à laquelle se réfère le ministre, et déterminer le maintien d'une base d'imposition de 195 645 F, et non de 332 222 F, en lieu de celle, de 59 144 F, inexactement calculée par le tribunal administratif ; qu'il suit de là que le ministre est seulement fondé à demander que la S.A. Holding Henri X... soit rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés de l'année 1988 à concurrence des droits et pénalités correspondant à 136 501 F de base, et dont le tribunal administratif a prononcé à tort la décharge ;

Sur les conclusions d'appel incident de la S.A. Holding Henri X... :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été ci-dessus, la S.A. Holding Henri X... n'est pas fondée à contester le principe du redressement opéré par l'administration par le moyen tiré de ce que le montant de la soulte qu'elle a versée à Mme X... n'aurait, en tout état de cause, pas affecté la valeur de l'actif net ressortant du bilan de clôture de l'exercice 1988 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la S.A. Holding Henri X... ne critique pas utilement le fait que l'administration a déduit le caractère excessif de la soulte versée à Mme X... d'une sous-évaluation de deux des biens compris dans le lot de cette dernière, en se bornant à faire valoir que l'ensemble des immeubles partagés lors de la liquidation de la S.C.I. X... a été estimé par le même expert, et que celui-ci a pu sous-évaluer aussi d'autres biens, compris dans son propre lot, sans, toutefois, apporter, au soutien de cette allégation, aucun élément de nature à permettre d'en vérifier la pertinence ;

Considérant, en dernier lieu, qu'après avoir relevé que, pour déterminer la valeur réelle des deux studios litigieux, l'administration s'était fondée sur des termes de comparaison dont la S.A. Holding Henri X... ne contestait pas sérieusement la validité, le tribunal administratif a, toutefois, admis que, ceux-ci portant sur des logements libres à la vente, alors que les deux studios dévolus à Mme X... se trouvaient donnés en location à la S.A. Holding Henri X..., qui y logeait des membres de son personnel, il y avait lieu d'apporter aux évaluations du vérificateur une réduction de 20 % ; qu'en retenant ce taux, et non celui de 30 % auquel prétend l'intéressée, eu égard, notamment, au caractère aisément résiliable des baux en cours, le tribunal a fait une suffisante estimation de la moins-valeur résultant de ces locations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de la S.A. Holding Henri X... doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A. Holding Henri X... la somme que celle-ci réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 juin 2002 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 1997 est annulé en tant que le tribunal a accordé à la S.A. Holding Henri X... la décharge des droits et pénalités compris dans la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 et correspondant à une base de 136 501 F.

Article 3 : La S.A. Holding Henri X... est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés de l'année 1988 à raison des droits et pénalités mentionnés à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, les conclusions d'appel incident présentées devant la même cour par la S.A. Holding Henri X..., et les conclusions de ladite société tendant, devant le Conseil d'Etat, au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A. Holding Henri X....


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 249504
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - PRINCIPE - VARIATION DE L'ACTIF NET DE NATURE À JUSTIFIER UN REHAUSSEMENT DE L'IMPÔT (ART. 38-2 DU CGI) - EXISTENCE - CONTRIBUABLE ASSOCIÉ D'UNE SOCIÉTÉ CIVILE MISE EN LIQUIDATION - PARTAGE DES IMMEUBLES ENTRE ASSOCIÉS - SOULTE VERSÉE PAR LE CONTRIBUABLE À SES CO-ASSOCIÉS EN EXCÈS DE CE QUI SERAIT RÉSULTÉ D'UNE CORRECTE ÉVALUATION DES BIENS ATTRIBUÉS AUX INTÉRESSÉS [RJ1].

19-04-02-01-04-01 Liquidation amiable d'une SCI comportant le partage entre les co-associés des immeubles dont elle était propriétaire. Attribution d'une partie de ces immeubles à la société contribuable, moyennant le versement d'une soulte aux autres associés attributaires du reste des biens. Remise en cause par l'administration de la valeur des immeubles attribués aux co-associés, que le vérificateur estime sous-évaluée. Réintégration, par suite, dans les bases d'imposition de la contribuable de la fraction de la soulte jugée excessive et constitutive d'une libéralité consentie en dehors du cadre d'une gestion commerciale normale. Contestation devant le juge de l'incidence du versement d'un excès de soulte sur l'actif net du contribuable et, partant, sur la base d'imposition.,,En l'espèce, la fraction excessive de la soulte versée en conséquence d'une sous-estimation des biens dévolus aux co-associés n'a pas eu la contrepartie comptable d'un accroissement d'égal montant de la valeur de l'actif immobilisé au bilan établi par l'associé contribuable à la clôture de l'exercice consécutif au partage. En effet, les biens dévolus au contribuable ont été inscrits à cet actif pour la valeur propre qui leur avait été reconnue lors du partage. Par suite, l'excès de la soulte a effectivement entraîné une diminution d'actif net autorisant l'administration à rapporter cette fraction excédentaire au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel son paiement est intervenu.


Références :

[RJ1]

Comp. 27 avril 2001, Sté générale de transport et d'industrie, T. p. 929 : l'acquisition d'un élément d'actif immobilisé pour un prix anormalement élevé n'entraîne pas de diminution de l'actif net, lorsqu'elle est transcrite en comptabilité par l'inscription de cet élément pour une valeur égale à ce prix.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2004, n° 249504
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Daniel Fabre
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : JACOUPY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249504.20041110
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