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10/11/2004 | FRANCE | N°250423

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 10 novembre 2004, 250423


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2002 et 16 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire enregistré le 3 février 2003, présentés pour l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN), dont le siège est ... ; l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN) demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en application de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 1

0 février 2000 relative à la modernisation et au développement d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2002 et 16 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire enregistré le 3 février 2003, présentés pour l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN), dont le siège est ... ; l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN) demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en application de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 ;

Vu le décret n° 2002-1014 du 19 juillet 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Marie Falcone, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN),

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dans sa rédaction applicable à la date d'intervention du décret attaqué : I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent aux tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles, aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aux tarifs du secours mentionné au 2° du III de l'article 2 de la présente loi et aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution. (...) II. - Les tarifs mentionnés au premier alinéa du I du présent article sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ; les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux. (...) III. - Dans le respect de la réglementation mentionnée au I du présent article, les décisions sur les tarifs et plafonds de prix sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité pour les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution... ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, codifié à l'article L. 410-2 du code de commerce : Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ;

Considérant que le décret en Conseil d'Etat du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, après avis du conseil de la concurrence, détermine les modalités de fixation de ces tarifs et les principes de leur répartition entre les consommateurs et les producteurs, et renvoie, par son article 8, à un décret en Conseil d'Etat, pris sur proposition de la commission de régulation de l'électricité et après avis du conseil de la concurrence, la fixation des premiers tarifs, et à un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris sur proposition de la commission de régulation de l'électricité, la fixation des évolutions ultérieures de ces premiers tarifs ; que l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE demande l'annulation du décret du 19 juillet 2002 fixant les premiers tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence du décret :

Considérant que lorsqu'il est prévu par les dispositions en vigueur qu'une décision administrative doit être prise par voie d'arrêté ministériel ou interministériel, il est satisfait auxdites dispositions lorsque cette mesure est prise par un décret contresigné par le ou les ministres compétents ;

Considérant, par suite, que si les dispositions du III de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 renvoient à un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité, la fixation des tarifs, le décret du 26 avril 2001 a pu légalement renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la fixation des premiers de ces tarifs, dès lors que ce décret est pris sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité et comporte, le contreseing de ces deux ministres ; que le décret attaqué, qui répond à l'ensemble de ces exigences, n'est donc pas entaché d'incompétence ;

Sur la légalité des dispositions du chapitre 1er de l'annexe du décret attaqué :

Considérant que ces dispositions, qui fixent la tarification applicable aux producteurs, prévoient un tarif pour l'utilisation des réseaux de très haute tension, représentatif uniquement de l'utilisation de ces réseaux pour le transport d'électricité destinée à l'exportation, et n'imposent aux producteurs aucun tarif pour l'électricité destinée à la consommation intérieure ;

Considérant que le décret attaqué a pu légalement prévoir une tarification exonérant, pour l'électricité destinée à la consommation intérieure, les producteurs, sans méconnaître les principes d'égalité et de non discrimination, posés par la loi du 10 février 2000, dès lors que producteurs et consommateurs se trouvent dans des situations présentant des différences telles que la différence de traitement qui découle de ce décret n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objet de ce texte ;

Considérant que si l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE soutient que le tarif fixé pour l'électricité destinée à l'exportation ne permettrait de couvrir que les coûts liés aux transits d'électricité entre les Etats membres de la Communauté européenne, le décret attaqué n'a cependant pas méconnu le principe d'égalité, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant un tarif ne couvrant pas la totalité des coûts bruts de transport de l'électricité exportée, compte tenu des économies générées pour l'ensemble des utilisateurs du réseau par l'exportation d'électricité et de l'intérêt général qui s'attache à promouvoir cette exportation ;

Considérant, dans ces conditions, que les moyens tirés de ce que l'insuffisance de ce tarif fixé pour l'électricité destinée à l'exportation constituerait au bénéfice d'Electricité de France une aide d'Etat, dont la Commission européenne aurait dû être informée, ainsi qu'une aide du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, prohibée par la loi et que cette insuffisance mettrait par elle-même Electricité de France en situation d'abus de position dominante, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la légalité des dispositions de la section 2 chapitre II de l'annexe du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 : Les tarifs... sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ; que selon l'article 4 du décret du 26 avril 2001, les tarifs sont fonction de la tension de raccordement. Ils peuvent dépendre de la période horo-saisonnière ; qu'après avoir défini les cinq domaines de tension de raccordement en fonction desquels les tarifs sont fixés, le décret attaqué a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver la possibilité d'opter pour une tarification avec différenciation temporelle aux usagers raccordés dans le premier domaine de haute tension ;

Sur la légalité des dispositions de la section 3 du chapitre II de l'annexe du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 26 avril 2001, les tarifs peuvent dépendre du nombre de points de raccordement ; que les dispositions de la section 3 du chapitre II de l'annexe du décret attaqué prévoient la possibilité pour un utilisateur disposant de plusieurs points de raccordement de bénéficier du regroupement tarifaire de ces points, moyennant le paiement d'une redevance de regroupement ; que si l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE soutient que cette redevance est fixée à un montant tel qu'il dissuaderait certains utilisateurs, notamment la société nationale des chemins de fer français, de solliciter le regroupement tarifaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fixation de ce montant soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des dispositions de la section 4 du chapitre II de l'annexe du décret attaqué :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 3 et 5 du décret du 26 avril 2001 que les gestionnaires de réseaux publics de distribution ne sont pas soumis à la tarification applicable aux producteurs et consommateurs d'électricité, mais doivent reverser la part de leurs recettes, fixée par contrat, correspondant à l'utilisation du réseau public de transport au gestionnaire de ce réseau ; que les gestionnaires de réseaux publics de distribution ne se trouvant pas dans la même situation que les utilisateurs assujettis à la tarification, les dispositions contestées de la section 4 du chapitre II de l'annexe du décret du 19 juillet 2002 ont pu, sans violation du principe d'égalité, prévoir, d'une part, de leur réserver le bénéfice de la tarification applicable au domaine de tension du réseau amont, à la condition qu'ils remboursent au gestionnaire du réseau les coûts liés au poste de transformation en aval duquel se trouvent les ouvrages électriques qu'ils exploitent, d'autre part, de leur réserver le bénéfice d'un écrêtement de leur dépassement de puissance en cas de période de froid très rigoureux ; que, par suite, cette dernière disposition ne constitue pas par elle-même, un avantage anti-concurrentiel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 19 juillet 2002 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES INDUSTRIES UTILISATRICES D'ENERGIE (UNIDEN), au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - MESURE DEVANT ÊTRE PRISE PAR VOIE D'ARRÊTÉ MINISTÉRIEL OU INTERMINISTÉRIEL - EN VERTU D'UNE DISPOSITION DE RANG SUPÉRIEUR - MESURE PRISE PAR DÉCRET - ACTE COMPÉTEMMENT PRIS - DÈS LORS QUE LE DÉCRET EST CONTRESIGNÉ PAR LE OU LES MINISTRES COMPÉTENTS [RJ1].

01-02-02 Satisfait aux dispositions prévoyant qu'une décision administrative doit être prise par voie d'arrêté ministériel ou interministériel, la prise de cette mesure par voie de décret contresigné par le ou les ministres compétents.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - MINISTRES - MESURE DEVANT ÊTRE PRISE PAR VOIE D'ARRÊTÉ MINISTÉRIEL OU INTERMINISTÉRIEL - EN VERTU D'UNE DISPOSITION DE RANG SUPÉRIEUR - MESURE PRISE PAR DÉCRET - ACTE COMPÉTEMMENT PRIS - DÈS LORS QUE LE DÉCRET EST CONTRESIGNÉ PAR LE OU LES MINISTRES COMPÉTENTS [RJ1].

01-02-02-01-03 Satisfait aux dispositions prévoyant qu'une décision administrative doit être prise par voie d'arrêté ministériel ou interministériel, la prise de cette mesure par voie de décret contresigné par le ou les ministres compétents.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - ABSENCE DE VIOLATION - MESURE DEVANT ÊTRE PRISE PAR VOIE D'ARRÊTÉ MINISTÉRIEL OU INTERMINISTÉRIEL - EN VERTU DE LA LOI - MESURE PRISE PAR DÉCRET - LÉGALITÉ - DÈS LORS QUE LE DÉCRET EST CONTRESIGNÉ PAR LE OU LES MINISTRES COMPÉTENTS [RJ1].

01-04-02-01 Satisfait aux dispositions de la loi prévoyant qu'une décision administrative doit être prise par voie d'arrêté ministériel ou interministériel, la prise de cette mesure par voie de décret contresigné par le ou les ministres compétents.


Références :

[RJ1]

Cf. Ass., 26 octobre 1945, Mattéi, p. 214.


Publications
Proposition de citation: CE, 10 nov. 2004, n° 250423
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Paul Marie Falcone
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 10/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 250423
Numéro NOR : CETATEXT000008194600 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-11-10;250423 ?
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