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10/11/2004 | FRANCE | N°261455

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 10 novembre 2004, 261455


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre 2003 et 1er décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean-Paul Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 en vue de la désignation des conseillers municipaux de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) ;

2°) d'annuler ces opérations électo

rales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le cod...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre 2003 et 1er décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean-Paul Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 en vue de la désignation des conseillers municipaux de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Aurélie Robineau-Israël, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'au second tour des élections qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), la liste Vivre Noisy avec vous conduite par Mme X a obtenu 51,49 % des suffrages et la liste La gauche unie conduite par le maire sortant, M. Mons, 48,51 % ; que M. Y, candidat sur la liste conduite par M. Mons, fait appel du jugement du 25 septembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa protestation contre ces élections ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête :

Considérant qu'aux termes des deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 52-12 du code électoral : Dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la préfecture son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte./ (...) Le compte de campagne et ses annexes sont transmis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'aux termes de l'article L. 118-2 du même code : Si le juge administratif est saisi de la contestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, il surseoit à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission instituée par l'article L. 52-14 qui doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixé au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ; qu'aux termes de l'article R. 120 du code électoral : Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...)./ Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 118-2, le délai, prévu au premier alinéa, dans lequel le tribunal administratif doit se prononcer, court à partir de la date de réception par le tribunal administratif des décisions de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, à défaut de décision explicite, à partir de l'expiration du délai de deux mois prévu audit article ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 121 du même code : Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la commission doit, dans le délai de deux mois fixé par l'article L. 118-2 précité du code électoral, non seulement examiner les comptes de campagne des candidats, mais également transmettre ses décisions au tribunal, qui dispose alors, pour se prononcer, de deux mois à compter de la date de réception de ces décisions ; qu'à défaut de réception, dans le délai de deux mois fixé par l'article L. 118-2, de décisions explicites de la commission, le tribunal statue dans le délai de deux mois à partir de l'expiration de ce délai ;

Considérant que, saisi d'une protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 dans la commune de Noisy-le-Sec, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, en application de l'article L. 118-2 du code électoral, sursis à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission nationale des comptes de campagne ; que ces décisions n'ont pas été transmises au tribunal dans le délai de deux mois fixé par l'article L. 118-2, lequel expirait le 20 mai 2003 ; que le tribunal disposait donc de deux mois pour statuer à compter de cette date ; qu'il suit de là que son jugement rendu le 25 septembre 2003, est intervenu hors délai et doit être annulé ; qu'il appartient au Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur la protestation de M. Y ;

Sur la propagande électorale :

Considérant que la circonstance que Mme X aurait envoyé sa circulaire du second tour, par ailleurs adressée à l'ensemble des électeurs par la commission de propagande en application de l'article R. 34 du code électoral, à tous les habitants de Noisy-le-Sec n'a pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant que si M. Y fait valoir qu'un tract appelant à voter contre le maire sortant a été distribué dans la nuit du vendredi au samedi précédant le second tour de scrutin, il n'établit pas le caractère massif de la diffusion de ce tract qui, au demeurant, n'excède pas les limites de la polémique électorale ;

Considérant que si Mme X a fait diffuser des tracts hostiles aux travaux de prolongement du tramway qui, aux dires du requérant, exagéraient les démolitions nécessaires à la réalisation de ce projet et faisaient croire qu'une fois élue, elle serait en mesure d'y mettre un terme, ces tracts n'ont, ni par leur contenu ni par leur date de diffusion, constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ; qu'il en est de même de la lettre, dans laquelle Mme X se présentait comme conduisant une liste d'intérêt communal, qui a été adressée aux abstentionnistes au lendemain du premier tour afin de les inviter à se mobiliser lors du second tour de scrutin ;

Sur les opérations électorales :

Considérant que, pour contester les résultats des élections, M. Y fait valoir que le titre de la liste conduite par Mme X a été complété, sur les bulletins de vote du second tour de scrutin, par la mention Liste soutenue par l'UDF et l'UMP qui ne figurait pas dans le titre de la liste déposée à la préfecture en application de l'article L. 265 du code électoral ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que Mme X s'était présentée aux élections municipales en juin 1995 sous les couleurs de la majorité présidentielle UDF-RPR et en mars 2001 sous les couleurs de l'UDF ; qu'elle a reçu l'appui, durant la campagne électorale, de nombreuses personnalités politiques de la droite parlementaire ; qu'enfin, la mention du soutien de l'UDF et de l'UMP figurait, aux dires mêmes du requérant, sur les affiches électorales de la liste conduite par Mme X, qui était opposée, lors du second tour de scrutin, à la seule liste de La gauche unie ; que dès lors l'ajout de cette mention sur les bulletins de vote n'a pas été de nature à créer une confusion dans l'esprit des électeurs et à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant que si neuf enveloppes contenant le bulletin de vote de la liste conduite par Mme X ont été retrouvées par un agent communal, le lundi suivant le second tour de scrutin, à proximité du bureau de vote n°1 de la commune, il résulte de l'instruction qu'aucune irrégularité n'a été constatée dans ce bureau de vote ; qu'en particulier, le nombre d'émargements correspond exactement au nombre d'enveloppes trouvées dans l'urne ; que, dès lors, la découverte de ces enveloppes ne suffit pas à établir l'existence d'une fraude ;

Sur les dépenses de campagne :

Considérant que M. Y soutient que les dépenses engagées par l'association TRAM-NON pour la diffusion d'un tract hostile au projet de prolongement du tramway à Noisy-le-Sec constituent, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, un don d'une personne morale à Mme X, elle-même opposée à ce projet ; que s'il résulte de l'instruction que l'association TRAM-NON, créée en 2001, a distribué durant la campagne électorale un tract dénonçant les travaux de prolongement du tramway à Noisy-le-Sec et appelant les candidats à s'exprimer clairement sur cette question, ce tract, qui ne fait référence ni au nom ni aux prises de position de Mme X, ne peut être regardé comme intéressant directement la campagne de cette dernière ; que la seule circonstance que le projet de tramway ait fait l'objet de débats pendant la campagne électorale ne suffit pas à qualifier les dépenses concernées de don consenti à la liste défendant les mêmes positions que l'association ;

Considérant que si M. Y soutient que Mme X a minoré de 21 574 euros les dépenses d'impression et de diffusion de documents électoraux qui figurent dans son compte de campagne, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ces allégations ; qu'il n'établit pas davantage que la somme de 690 euros figurant dans le compte de campagne de Mme X au titre de la mise à disposition d'un local de campagne serait sous-estimée ; que le grief tiré de ce que Mme X aurait dépassé le plafond légal des dépenses autorisées doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Noisy-le-Sec ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. Y la somme que Mme X et ses colistiers demandent au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 25 septembre 2003 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La protestation de M. Y dirigée contre les élections qui se sont déroulées les 12 et 19 janvier 2003 en vue de la désignation des conseillers municipaux de Noisy-le-Sec et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Mme X et de ses colistiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul Y, à Mme Nicole X, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 261455
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-08-02 ÉLECTIONS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INSTRUCTION - ELECTIONS MUNICIPALES - CONTESTATION D'UNE ÉLECTION DANS UNE CIRCONSCRIPTION OÙ LE MONTANT DES DÉPENSES ÉLECTORALES EST PLAFONNÉ - SURSIS À STATUER JUSQU'À LA RÉCEPTION DES DÉCISIONS PRISES PAR LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE (ART. L. 118-2 DU MÊME CODE) - A) DÉLAI IMPARTI À LA COMMISSION POUR TRANSMETTRE SES DÉCISIONS AU JUGE - B) DÉLAI IMPARTI AU JUGE DE PREMIÈRE INSTANCE POUR STATUER, À PEINE DE DESSAISISSEMENT (ART. R. 121 DU CODE ÉLECTORAL) - POINT DE DÉPART.

28-08-02 a) Il résulte des dispositions combinées des articles L. 52-12, L. 118-2, R. 120 et R. 121 du code électoral que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques doit, dans le délai de deux mois suivant l'expiration de la première période de deux mois prévue au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 et ouverte à compter du tour de scrutin où l'élection a été acquise, non seulement examiner les comptes de campagne des candidats mais également transmettre ses décisions au tribunal.... ...b) Le délai dont dispose le tribunal pour se prononcer court à compter de la réception de ces décisions ou, à défaut, à compter de l'expiration du délai au terme duquel elle aurait dû intervenir.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2004, n° 261455
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Aurélie Robineau-Israël
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261455.20041110
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