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17/11/2004 | FRANCE | N°234907

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 17 novembre 2004, 234907


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin 2001 et 22 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), dont le siège est ... et la SMC-GESTION, dont le siège est ... ; la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC) et la SMC-GESTION demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer la décision du 12 mars 2001 par laquelle le conseil de discipline de la gestion financière a prononcé à leur encontre la sanction du blâme et les a condamnées au ve

rsement d'une amende de 250 000 F ;

2°) de mettre à la charge de l'Eta...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin 2001 et 22 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), dont le siège est ... et la SMC-GESTION, dont le siège est ... ; la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC) et la SMC-GESTION demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, ou, à titre subsidiaire, de réformer la décision du 12 mars 2001 par laquelle le conseil de discipline de la gestion financière a prononcé à leur encontre la sanction du blâme et les a condamnées au versement d'une amende de 250 000 F ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 25 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret du 28 mars 1990 relatif au conseil de discipline de la gestion financière ;

Vu le règlement n° 89-02 de la commission des opérations de bourse homologué par l'arrêté du 28 septembre 1989 ;

Vu le règlement n° 90-04 de la commission des opérations de bourse homologué par l'arrêté du 5 juillet 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC) et de la SOCIETE SMC-GESTION,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le conseil de discipline de la gestion financière, par une décision en date du 12 mars 2001, a prononcé tant à l'encontre de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT que de sa filiale, la SMC-GESTION, un blâme assorti d'une amende de 250 000 F, en raison d'une valorisation excessive de titres d'emprunts de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT au sein des organismes de placement collectif en valeurs mobilières gérés par la SMC GESTION ; que la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT et la SMC-GESTION demandent l'annulation, ou, à titre subsidiaire, la réformation de cette décision ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la circonstance qu'elles ont bénéficié de la communication du rapport établi par le membre du conseil de discipline de la gestion financière désigné à cet effet par le président n'a porté aucune atteinte à leurs droits et n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 28 mars 1990 : Le président désigne, pour chaque affaire, un rapporteur parmi les membres du conseil. / Le rapporteur, avec le concours du secrétariat du conseil de discipline, est chargé d'instruire les actions disciplinaires. Il peut recueillir toutes informations utiles, notamment auprès de la commission des opérations de bourse, ainsi que des témoignages. Il consigne le résultat de ses opérations par écrit ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : Lors de la séance, le rapporteur présente l'affaire. / Le président peut faire entendre par le conseil de discipline toutes personnes dont il estime l'audition utile./ Après observations éventuelles du commissaire du gouvernement et du représentant de la commission des opérations de bourse, la personne poursuivie et son conseil présentent leur défense. / Dans tous les cas, la personne poursuivie et, le cas échéant, son conseil doivent pouvoir prendre la parole en dernier. / La décision est prise en la seule présence du président, des membres, du secrétaire du conseil et du commissaire du gouvernement. Le procès-verbal est signé du président, du rapporteur et du secrétaire ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le rapporteur, qui n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi, ni même allégué, que le membre du conseil ayant été désigné rapporteur de la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre des requérants aurait, dans l'exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et qui ne diffèrent pas de ceux que le conseil de discipline de la gestion financière aurait lui-même pu exercer ; que, dès lors, il n'est résulté de sa participation au délibéré à l'issue duquel il a été décidé d'infliger une sanction, d'une part, à la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT et, d'autre part, à la SMC-GESTION, aucune méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes mêmes de la décision du 12 octobre 1998 par laquelle le conseil de discipline de la gestion financière a décidé d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre des sociétés requérantes, que, si celui-ci avait été informé par la commission des opérations de bourse des résultats d'une enquête à laquelle ses services avaient procédé, il a décidé d'agir d'office à l'égard des deux sociétés concernées ; qu'ainsi doit être écarté, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du second alinéa de l'article 5 du décret du 28 mars 1990, en vertu duquel, lorsque le conseil agit à la demande de la commission des opérations de bourse, celle-ci doit être informée, dans les mêmes délais que la personne mise en cause, de la date de la séance et peut s'y faire représenter par toute personne de son choix ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le conseil de discipline de la gestion financière a siégé le 12 octobre 1998 dans le respect de la règle de quorum de sept membres fixée par l'article 1er du décret du 28 mars 1990 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne fait pas la preuve que le quorum exigé était bien atteint ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que la décision du 12 octobre 1998 par laquelle le conseil de discipline de la gestion financière a décidé d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de la SMC-GESTION et de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT précisait les différents griefs reprochés aux intéressées ; que si le grief finalement retenu dans la décision du 12 mars 2001 à l'encontre de la SMC-GESTION vise, entre autres, la méconnaissance d'une instruction du 27 juillet 1993 de la commission des opérations de bourse, alors que celle-ci n'était pas évoquée dans la décision du 12 octobre 1998, cette circonstance n'est pas de nature à établir qu'auraient été méconnus les droits de la défense, dès lors que les faits qui ont fondé la sanction prononcée sont ceux-là mêmes qui avaient déjà été retenus au stade de l'engagement de la procédure disciplinaire ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que le conseil de discipline de la gestion financière a estimé qu'en n'appliquant pas une décote à plusieurs titres émis par la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT figurant dans le portefeuille de placements qu'elle gérait, alors que les principes généraux de valorisation des titres auraient dû, en l'espèce, la conduire à réévaluer à la baisse leur valeur réelle, et en demandant à des sociétés de bourse de procéder à des cotations artificielles de ces titres, la SMC-GESTION avait enfreint les dispositions des articles 2 et 3 du règlement n° 90-04 de la commission des opérations de bourse, homologué par arrêté du 5 juillet 1990, et contrevenu aux règles de valorisation figurant dans l'instruction de la commission des opérations de bourse du 27 juillet 1993 prise pour l'application du règlement n° 89-02, homologué par arrêté du 28 septembre 1989 ; qu'il résulte de l'instruction que les faits reprochés à la SMC-GESTION constituent, notamment, des infractions aux règles de pratique professionnelle que sont tenues de respecter, en application de l'article L. 632-2 du code monétaire et financier, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, et que l'instruction du 27 juillet 1993 prise par la commission des opérations de bourse pour l'application de son règlement n° 89-02 se borne à rappeler ; qu'il suit de là que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir, en se prévalant de l'absence de caractère réglementaire de l'instruction du 27 juillet 1993, que le conseil de discipline de la gestion financière aurait méconnu le principe de légalité des délits et des peines ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des articles L. 214-16 et L. 214-26 du code monétaire et financier, les actifs des organismes de placement collectif en valeurs mobilières doivent être conservés par un dépositaire distinct de la société de gestion qui s'assure de la régularité des décisions prises par celle-ci ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, dépositaire des actifs de la SMC-GESTION, n'a pas effectué à ce titre les vérifications qui s'imposaient à elle quant à la valorisation des titres qu'elle avait elle-même émis ; qu'eu égard à la gravité de la faute qui lui était reprochée, le conseil de discipline de la gestion financière a pu, sans méconnaître le principe de proportionnalité des sanctions, lui infliger une sanction identique à celle prononcée à l'égard de la SMC-GESTION ;

Considérant, en dernier lieu, que les règles de pratique professionnelle applicables aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et dont, ainsi qu'il a été dit, l'instruction du 27 juillet 1993 ne fait que rappeler le contenu, imposent à ceux-ci de procéder à une valorisation sincère des titres figurant dans les portefeuilles qu'ils gèrent ; que le conseil de discipline de la gestion financière a pu estimer à bon droit que les achats et ventes de certains titres effectués par la SMC-GESTION avaient eu pour objet de fixer fictivement une valeur proche du pair et ne reflétaient pas la valeur réelle de ces titres ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, pour estimer leur valeur réelle à un niveau substantiellement inférieur à leur valeur nominale, le conseil de discipline de la gestion financière ait utilisé une méthode inadaptée aux caractéristiques de ces titres ; qu'enfin la seule circonstance que le capital de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT ait été détenu par l'Etat n'interdisait pas au conseil de discipline de la gestion financière d'estimer que la qualité de sa signature en tant qu'émetteur des titres s'était dégradée, d'autant plus que la décision de procéder à sa privatisation avait été prise en 1995 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le conseil de discipline de la gestion financière doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT et la SMC-GESTION ne sont fondées à demander ni l'annulation ni, à titre subsidiaire, la réformation de la décision attaquée ; que, par suite, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT et de la SMC-GESTION est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), à la SMC-GESTION, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 234907
Date de la décision : 17/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2004, n° 234907
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:234907.20041117
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