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17/11/2004 | FRANCE | N°257402

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 17 novembre 2004, 257402


Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société ETHYS, dont le siège est ..., représentée par la présidente de son directoire ; la société ETHYS demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission des opérations de bourse, notifiée par lettre en date du 20 mai 2003, lui retirant à compter du 10 juin 2003 son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 4 octobre

2004 par l'autorité des marchés financiers ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société ETHYS, dont le siège est ..., représentée par la présidente de son directoire ; la société ETHYS demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission des opérations de bourse, notifiée par lettre en date du 20 mai 2003, lui retirant à compter du 10 juin 2003 son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 4 octobre 2004 par l'autorité des marchés financiers ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement n° 96-02 de la commission des opérations de bourse homologué par arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 24 décembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société ETHYS,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : L'entreprise d'investissement qui exerce, à titre principal, le service mentionné au 4 de l'article L. 321-1, est agréée par la commission des opérations de bourse et prend le nom de société de gestion de portefeuille. / Pour délivrer l'agrément à une société de gestion de portefeuille, la commission vérifie si celle-ci : / 1. A son siège social et son administration centrale en France ; / 2. Dispose d'un capital initial suffisant ; / 3. Fournit l'identité de ses actionnaires, directs ou indirects, personnes physiques ou morales, qui détiennent une participation qualifiée, ainsi que le montant de leur participation ; la commission apprécie la qualité de ces actionnaires au regard de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente ; / 4. Est dirigée effectivement par des personnes possédant l'honorabilité et la compétence nécessaires ainsi que l'expérience adéquate à leur fonction ; / 5. Voit son orientation déterminée par deux personnes au moins ; / 6. Dispose d'une forme juridique adéquate à la fourniture du service mentionné au 4 de l'article L. 321-1 ; / 7. Dispose d'un programme d'activité pour chacun des services qu'elle entend fournir (...). / La commission peut assortir l'agrément de conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de la société de gestion. Elle peut également subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par la société requérante. / Un règlement de la commission des opérations de bourse ... précise les conditions d'agrément des sociétés de gestion de portefeuille ; qu'aux termes de l'article L. 532-10 du même code : Le retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille est prononcé par la commission des opérations de bourse à la demande de la société. Il peut aussi être décidé d'office par la commission si la société ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonné son agrément ou une autorisation ultérieure (...) ; que la commission des opérations de bourse a, par la décision attaquée, décidé de retirer à la société ETHYS, sur le fondement de l'article L. 532-10 du code monétaire et financier, l'agrément qu'elle lui avait délivré pour exercer l'activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents produits au cours de l'instruction, que la commission des opérations de bourse a pris la décision attaquée dans le respect des conditions fixées par les articles L. 621-2 et L. 621-3 du code monétaire et financier ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la requérante, à laquelle la décision de la commission des opérations de bourse a été notifiée par une lettre de son président en date du 20 mai 2003, n'a eu communication qu'en cours d'instance du texte de la délibération et des divers éléments permettant de vérifier la régularité de la procédure suivie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que la lettre du président de la commission des opérations de bourse ne contient pas l'énoncé de motifs différents de ceux retenus par le collège délibérant ;

Considérant, en troisième lieu, que la lettre en date du 20 mai 2003 du président de la commission des opérations de bourse expose de façon précise et exhaustive les motifs qui ont conduit cette autorité à retirer à la société ETHYS l'agrément dont elle bénéficiait ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'au nombre des motifs retenus par la commission des opérations de bourse figure celui tiré du non-respect, par la société ETHYS, de la réglementation relative au niveau minimal des fonds propres, laquelle, selon la commission, imposait à la société de justifier d'un montant minimal de 76 413 euros, alors qu'elle ne pouvait justifier que d'un total de 67 387 euros en incluant les 50 000 euros déposés sur un compte courant bloqué par la présidente du directoire ; que si, dans son mémoire en défense, la commission des opérations de bourse soutient que, de surcroît, les 50 000 euros déposés sur un compte courant ne peuvent être assimilés à des fonds propres, cette affirmation ne peut, en tout état de cause, être assimilée, contrairement à ce que soutient la requérante, à une substitution de motifs ; que n'ont ainsi été méconnus ni le principe du contradictoire, ni le principe du respect des droits de la défense ;

Considérant, en cinquième lieu, que la double circonstance que, d'une part, les services de la commission des opérations de bourse n'auraient pas informé au préalable la société ETHYS du fait que la visite des locaux à laquelle ils ont procédé en novembre 2002 était susceptible de déboucher sur l'engagement d'une procédure de retrait d'agrément, et que, d'autre part, ils n'auraient pas avisé la société, contrairement à ce que prévoit l'article 16 du règlement n° 96-02 sur les prestataires de services d'investissement, approuvé par arrêté du 24 décembre 1996, des conséquences éventuelles des modifications affectant les éléments caractéristiques figurant dans son dossier d'agrément, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il résulte des pièces du dossier que, d'une part, la société n'a pas informé la commission des opérations de bourse de l'ensemble des modifications apportées à son fonctionnement dans les conditions prévues par ce règlement et, d'autre part, que le principe du contradictoire a bien été respecté à compter de la date à laquelle a été engagée la procédure de retrait d'agrément ;

Considérant, en sixième lieu, que la commission des opérations de bourse a, alors qu'elle n'y était pas tenue, recueilli l'avis du comité consultatif de la gestion financière à deux reprises, sur le principe de l'engagement de la procédure puis sur le retrait d'agrément ; que cet avis pouvait être légalement rendu hors la présence des représentants de la société ETHYS ; que le fait que la commission des opérations de bourse n'ait informé la société ETHYS ni de l'existence de ces consultations, ni du sens des avis rendus, n'est pas de nature à vicier la procédure suivie dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces avis auraient comporté des éléments dont la société ETHYS n'aurait pas eu connaissance ;

Considérant, en septième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission des opérations de bourse ait refusé de prendre connaissance, avant l'intervention de sa décision, des observations présentées par la société ETHYS ; qu'elle n'était pas, en revanche, tenue de convoquer ses représentants à la séance au cours de laquelle son organe délibérant a statué ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des articles L. 532-9 et L. 532-10 du code monétaire et financier que la commission des opérations de bourse peut retirer l'agrément dont bénéficiait une société de gestion de portefeuille dès lors que celle-ci cesse de remplir les conditions auxquelles la délivrance de cet agrément était subordonnée ; qu'elle doit, à cet effet, s'assurer du respect non seulement des conditions particulières et des engagements prévus à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 532-9, mais de l'ensemble des conditions générales visées aux 1 à 7 de cet article ; qu'elle peut ainsi, sans commettre d'erreur de droit, procéder à un retrait d'agrément lorsque la société ne respecte pas substantiellement le contenu du programme d'activité au vu duquel cet agrément a été obtenu ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission des opérations de bourse ne pouvait fonder sa décision sur le non respect par la société ETHYS de son programme d'activité ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 du règlement n° 96-02 : Lors de l'agrément d'une société de gestion et au cours du premier exercice, le capital social est égal au plus élevé des deux montants suivants : 50 000 euros ou le quart des frais généraux annuels prévisionnels. Le capital social minimum d'une société de gestion doit être entièrement libéré en numéraire. / Au cours des exercices suivants, la société de gestion doit pouvoir justifier à tout moment d'un niveau de fonds propres au moins égal au plus élevé des deux montants suivants : 50 000 euros ou le quart des frais généraux annuels de l'exercice précédent. / La détermination du montant des frais généraux et des fonds propres au sens du présent règlement est précisée dans une instruction de la commission des opérations de bourse ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la commission des opérations de bourse a fait une exacte application de cet article en retenant, pour le calcul du montant des frais généraux de référence, le montant total des frais engagés au cours du premier exercice entamé en juillet 2001 et clos le 31 décembre 2002, rapporté à une période de douze mois ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que l'instruction de la commission des opérations de bourse en date du 17 décembre 1996, aux termes de laquelle le personnel d'une société de gestion est en principe salarié de la société , aurait une valeur réglementaire et serait de ce fait illégale, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que celle-ci est motivée, sur ce point, par le non respect de son programme d'activité par la société ETHYS ;

Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la commission des opérations de bourse n'était pas tenue de retarder sa décision, en avril 2003, au vu des éléments transmis par la société ETHYS qui annonçaient une prochaine augmentation de capital ; qu'en effet le vote par l'assemblée générale de la société du principe de cette augmentation, qui n'est intervenu que le 23 avril 2003, soit plusieurs semaines après l'expiration du second et dernier délai accordé à la société pour se mettre en conformité avec ses obligations, n'avait pas pour effet de garantir que celle-ci serait désormais à même de respecter à brève échéance son programme d'activité ;

Considérant, en cinquième lieu, que la commission des opérations de bourse n'a pas entaché sa décision d'erreurs de fait en ce qui concerne l'insuffisance de fonds propres et le non respect des engagements relatifs au personnel figurant dans le programme d'activité de la société ; qu'à supposer même qu'elle ait commis certaines erreurs ou approximations en ce qui concerne le non respect des engagements relatifs aux moyens matériels et informatiques, celles-ci ne sont pas de nature à retirer son bien fondé à ce dernier motif, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la société ETHYS n'a pas justifié avoir respecté l'intégralité de son programme d'activité sur ce point ;

Considérant, en sixième lieu, que les conditions dans lesquelles l'autorité des marchés financiers a présenté les dossiers de la société ETHYS dans son rapport annuel publié en juin 2004 sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ETHYS n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société ETHYS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société ETHYS, à l'autorité des marchés financiers et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 257402
Date de la décision : 17/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

13-01-02-01 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - COMMISSION DES OPÉRATIONS DE BOURSE - RETRAIT DE L'AGRÉMENT D'UNE SOCIÉTÉ DE GESTION DE PORTEFEUILLE - MOTIF - LÉGALITÉ - ABSENCE DE RESPECT DU CONTENU DU PROGRAMME D'ACTIVITÉ.

13-01-02-01 Un retrait d'agrément d'une société de gestion de portefeuille peut être prononcé par la COB non seulement si les conditions particulières et les engagements prévus à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier ne sont plus respectées par le titulaire de l'agrément, mais aussi si ce dernier ne respecte plus l'ensemble des conditions générales visées aux 1 à 7 de cet article. Un retrait d'agrément peut donc être légalement fondé sur le motif tiré de ce que le titulaire de l'agrément ne respecte pas substantiellement le programme d'activité au vu duquel cet agrément a été obtenu.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2004, n° 257402
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP VUITTON, VUITTON ; SCP VIER, BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:257402.20041117
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