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19/11/2004 | FRANCE | N°237999

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 19 novembre 2004, 237999


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 2001 et 7 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement en date du 6 juillet 2001 relatif à la chasse des colombidés au moyen de filets dans le département de la Gironde pour la campagne 2001-2002, ensemble l'arr

êté modificatif en date du 9 août 2001 ;

2°) de mettre à la charge ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 2001 et 7 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE ; la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement en date du 6 juillet 2001 relatif à la chasse des colombidés au moyen de filets dans le département de la Gironde pour la campagne 2001-2002, ensemble l'arrêté modificatif en date du 9 août 2001 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et, notamment, son préambule ;

Vu la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 6 juillet 2001, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 424-4 du code de l'environnement, déterminé pour la campagne 2001-2002 les modalités de chasse aux colombidés au moyen de filets dans le département de la Gironde ; que, par un arrêté en date du 9 août 2001, il a modifié l'arrêté précédent en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'autorisation de chasse peut être suspendue à titre conservatoire en cas d'infraction à ses dispositions ;

Sur les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur et du signataire des arrêtés attaqués :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-4 du code de l'environnement : Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse ... / Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités, le ministre chargé de la chasse autorise, dans les conditions qu'il détermine, l'utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, dérogatoires à ceux autorisés par l'alinéa précédent... ;

Considérant qu'en édictant l'arrêté attaqué, et notamment en fixant la période durant laquelle la capture des colombidés à l'aide de filets horizontaux dits pantes était autorisée dans le département de la Gironde pour la campagne 2001-2002, le ministre chargé de la chasse s'est borné à faire usage des pouvoirs qui lui sont confiés par le troisième alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement qui l'habilitent à déroger à la règle générale au bénéfice de modes et moyens de chasse dont il n'est pas contesté qu'ils soient consacrés par les usages traditionnels ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'il n'avait pas été compétent pour prendre cet arrêté ne peut qu'être écarté ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 424-4 du code de l'environnement n'interdisent aucunement au ministre chargé de la chasse de déléguer sa signature pour la délivrance de l'autorisation en cause ; que Mme X..., sous-directeur de la nature et des paysages, a régulièrement reçu, par décret du 15 septembre 2000, publié au Journal officiel de la République française du 17 septembre, délégation du ministre de l'environnement pour signer tous arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets ; que l'objet et l'étendue de la délégation ainsi consentie par le ministre sont définis avec une précision suffisante ; que cette délégation n'a pas le caractère d'une subdélégation donnée par le ministre ; que si Mme X... ne dispose de cette délégation qu'en cas d'absence ou d'empêchement des fonctionnaires qui ont été désignés par arrêté du 1er août 2000, et notamment du directeur de la nature et des paysages, il n'est pas établi que ces fonctionnaires n'aient pas été absents ou empêchés à la date du 6 juillet 2001 ; que, par suite, les fédérations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le sous-directeur de la nature et des paysages aurait irrégulièrement signé les arrêtés attaqués, par délégation du ministre ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2001 en tant qu'il interdit la capture des tourterelles :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 : En ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d'oiseaux dans le cadre de la présente directive, les Etats membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d'une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l'annexe IV sous a) ; que le a) de l'annexe IV vise en particulier les filets ; que l'article 9 de la directive autorise les Etats membres à déroger à l'article 8 s'il n'existe pas d'autre solutions satisfaisante... c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ; qu'ainsi qu'il l'a été indiqué, l'article L. 424-4 du code de l'environnement donne compétence au ministre chargé de la chasse pour autoriser, dans les conditions qu'il détermine, l'utilisation de modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le recours aux modes ou moyens de chasse visés par le a) de l'annexe IV de la directive du 2 avril 1979 ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, et dans des conditions restrictives, qu'en vue de satisfaire à l'un des objectifs fixés par l'article 9 de cette directive ;

Considérant, dès lors, que la circonstance que la tourterelle fait partie des espèces pouvant faire l'objet d'actes de chasse et que son mode de capture au moyen de pantes figurerait parmi les modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels n'implique pas, par elle-même, que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en excluant les tourterelles du champ d'application de l'arrêté attaqué ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2001 en tant qu'il n'autorise que les pantes existant avant 1981 :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes de l'article L. 424-4 du code de l'environnement que l'utilisation de modes et moyens de chasse dérogatoires ne peut être autorisée que pour ceux d'entre eux qui sont consacrés par les usages traditionnels ; que, par suite, le ministre de l'aménagement du territoire pouvait légalement, en application de cet article, limiter l'autorisation aux pantes existant depuis un certain nombre d'années ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'est invoqué le moyen tiré de ce que la limitation ainsi apportée au droit de chasser méconnaîtrait le principe constitutionnel du droit de propriété ; que cette limitation résulte, dans son principe, des dispositions législatives du code de l'environnement ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur leur conformité avec un principe de valeur constitutionnelle ; que les modalités retenues par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement obéissent en outre à des fins d'intérêt général et n'ont pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s'en trouveraient dénaturés ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué, loin de conduire à la disparition de la chasse aux colombidés au moyen de filets, autorise son maintien, dans le respect des conditions fixées par l'article L. 424-4 du code de l'environnement ; que le moyen tiré de que la disparition de ce mode de chasse méconnaîtrait les objectifs du législateur ne peut donc qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2001, modifié sur ce point par l'arrêté du 9 août 2001, en tant qu'il institue une mesure de suspension conservatoire :

Considérant que le ministre, auquel il appartenait de déterminer toutes les mesures propres à assurer le respect des objectifs de la directive du 2 avril 1979, pouvait légalement prévoir la suspension, à titre conservatoire, dans l'attente de la décision judiciaire à intervenir, de l'autorisation d'une installation utilisée en infraction aux dispositions de l'arrêté ; qu'une telle suspension, qui constitue une mesure de police, ne présente pas le caractère d'une sanction ; que le moyen tiré de la compétence exclusive du législateur pour prévoir l'existence d'un régime de sanction est donc inopérant ; que l'arrêté n'est, par suite, pas entaché d'incompétence, et ne contrevient ni au principe de légalité des délits et des peines ni à la présomption d'innocence ni au principe du respect des droits de la défense ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA GIRONDE et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 nov. 2004, n° 237999
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 19/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 237999
Numéro NOR : CETATEXT000008193094 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-11-19;237999 ?
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