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19/11/2004 | FRANCE | N°260379

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 19 novembre 2004, 260379


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2003 et 19 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SCP X... ; la SCP X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 juillet 2003 par laquelle la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs lui a attribué une somme de 789 573,97 euros, au titre de l'indemnisation de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation des commissaires-priseurs prévue par la loi du 10 juillet 2000 ;

2°) de fixer le

montant de cette indemnité à 860 575 euros ;

3°) de mettre à la charge de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2003 et 19 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SCP X... ; la SCP X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 juillet 2003 par laquelle la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs lui a attribué une somme de 789 573,97 euros, au titre de l'indemnisation de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation des commissaires-priseurs prévue par la loi du 10 juillet 2000 ;

2°) de fixer le montant de cette indemnité à 860 575 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 ;

Vu le décret n° 2001-652 du 19 juillet 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les observations de Me Delvolvé, avocat de la SCP X...,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi du 10 juillet 2000 a supprimé le monopole des commissaires-priseurs dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; qu'elle a prévu d'indemniser les commissaires-priseurs du préjudice subi à raison de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit, garanti par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances, de présenter leur successeur au garde des sceaux ; que le montant de l'indemnité due à ce titre au commissaire-priseur qui en fait la demande est fixé à partir de la valeur de son office limitée à l'activité des ventes volontaires, calculée en vertu de l'article 39 de la loi - en prenant pour base la somme de la recette nette moyenne au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la loi et de trois fois le solde moyen d'exploitation de l'office au cours des mêmes exercices ;/ - en affectant cette somme d'un coefficient de 0,5 pour les offices du ressort des compagnies de commissaires-priseurs autres que celle de Paris et de 0,6 pour les offices du ressort de la compagnie des commissaires-priseurs de Paris ;/ - en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrite au bilan du dernier exercice clos à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;/ - en multipliant le total ainsi obtenu par le rapport du chiffre d'affaires moyen de l'office correspondant aux ventes volontaires au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la présente loi sur le chiffre d'affaires global moyen de l'office au cours des mêmes exercices./ La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés./ Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts./ Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office ; que le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur ainsi déterminée ; que toutefois, l'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de 20 % au plus par la commission prévue à l'article 45 de la loi, en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire ;

Considérant que la commission nationale d'indemnisation des commissaires- priseurs a attribué une indemnité de 789 573,97 euros à la SCP X..., par une décision du 9 juillet 2003 dont celle-ci demande la réformation au Conseil d'Etat ;

Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée, est suffisamment motivée ;

Sur le montant de la recette nette moyenne :

Considérant qu'à l'occasion de la détermination de la valeur de l'office, en vue de la fixation du montant de l'indemnité due à la SCP X..., la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs a qualifié de débours au sens de l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000, des sommes portées comme telles par l'entreprise dans ses déclarations fiscales et qui correspondent au remboursement, par ses clients, de frais exposés pour leur compte en matière de publicité et d'organisation de ventes, dans le cadre de son activité principale de vente de meubles aux enchères publiques ; que la SCP X... soutient que les sommes litigieuses ne revêtent pas le caractère de débours , mais celui de recette encaissée au sens du même article 39 et qu'à ce titre, elles doivent majorer les recettes totales prises en compte dans le calcul de la recette nette ;

Considérant que lorsqu'elle détermine la valeur d'un office de commissaire-priseur au sens et pour l'application de la loi du 10 juillet 2000, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs n'est pas tenue par la définition donnée, dans le cadre d'autres législations, des termes employés à l'article 39 de cette loi ; qu'il suit de là que la SCP X... n'est pas fondée à soutenir que la seule définition des débours à prendre en compte serait celle donnée pour l'application de la loi fiscale ;

Considérant qu'ont le caractère de débours, au sens de la loi du 10 juillet 2000, les frais exposés par un commissaire-priseur pour le compte de ses clients et qui font, de leur part, l'objet d'un reversement, que celui-ci soit ou non forfaitaire ; que, dès lors, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs n'a pas fait une inexacte application de l'article 39 de la loi en déduisant comme telles, de la recette nette, les sommes dont il résulte de l'instruction qu'elles avaient été remboursées par les clients de l'office après que celui-ci les avait exposées dans leur intérêt ;

Sur la prise en compte des charges sociales facultatives dans le calcul du solde moyen d'exploitation :

Considérant que l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000 n'établit, au sein des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession , aucune distinction selon que ces dépenses auraient été exposées volontairement ou non dans le cadre de cet exercice ; qu'il suit de là que la SCP X... n'est pas fondée à soutenir qu'en déduisant des recettes totales, pour le calcul du solde d'exploitation en 1998 et 1999, des charges sociales facultatives payées au titre du dispositif de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs, dès lors que ces charges n'auraient été pas été nécessitées par l'exercice de la profession, aurait entaché sa décision d'erreur de droit ;

Sur la prise en compte de la provision pour risque 1996 dans le calcul du solde moyen d'exploitation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la SCP X... a déclaré en 1996 à l'administration fiscale une provision pour risque de 1 175 000 F (179 128 euros), venant en déduction de son résultat total pour la détermination de son bénéfice imposable, le montant de cette provision a été ultérieurement réintégré dans le résultat de l'entreprise à l'occasion d'un contrôle fiscal ;

Considérant, que si l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000 dispose que les données utilisées pour déterminer la valeur de l'office sont celles qui figurent sur sa déclaration fiscale annuelle et dans sa comptabilité, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que la commission nationale requalifie ces données, afin de prendre en considération la valeur de l'entreprise au sens et pour l'application de la loi du 10 juillet 2000 ; que, d'ailleurs, il résulte de l'instruction que la commission a procédé à un tel retraitement en qualifiant de recette encaissée certaines des sommes déclarées par la SCP X... comme des débours payés pour le compte des clients ; qu'il suit de là que la commission nationale ne pouvait légalement refuser de prendre en compte, dans le calcul du solde d'exploitation de l'office, le montant de la provision pour risque litigieuse, au seul motif qu'elle serait tenue d'utiliser les données figurant sur la déclaration fiscale de 1996 et qu'il ne lui serait pas possible de corriger les mentions des déclarations des années postérieures ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes de l'article 39 que la loi ne prévoit d'ajouter aux recettes totales de l'office, pour aboutir au solde d'exploitation, que les frais financiers et les pertes diverses, à l'exclusion de toutes autres charges ; que dès lors la réintégration, par l'administration fiscale, de la provision litigieuse dans les comptes de la SCP X..., si elle a eu pour conséquence de modifier le montant de son bénéfice imposable, est en revanche sans incidence sur le calcul de son solde d'exploitation au sens de la loi du 10 juillet 2000 ; que, par suite, même si, ainsi qu'il vient d'être dit, les motifs opposés par la commission à la SCP X... n'étaient pas susceptibles de fonder légalement son refus, la commission était tenue de refuser, comme elle l'a fait, la réintégration du montant de la provision litigieuse dans le solde d'exploitation de la société ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCP X... n'est pas fondée à demander la réintégration, dans le calcul du solde moyen d'exploitation, du montant de la provision pour risque déclarée en 1996 ;

Sur la majoration de l'indemnité :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCP X... aurait renoncé au bénéfice de la majoration prévue par l'article 40 de la loi du 10 juillet 2000 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a repris en 1995 l'office de commissaire-priseur de M. Y..., qui était déficitaire ; qu'à partir de 1996, le chiffre d'affaires de l'étude est substantiellement et constamment remonté pour atteindre, en 1999, une recette brute de plus de 12 millions de francs ; que, dès lors, le calcul de la recette nette moyenne et du solde moyen d'exploitation en incluant tels quels les chiffres de l'année 1995, est de nature à réduire artificiellement la valeur de l'office au moment de la suppression du monopole en matière de ventes volontaires de meubles ; que, dans ces conditions, la SCP X... se trouve dans une situation particulière au sens de l'article 40 de la loi et qu'il y a lieu de majorer l'indemnité dans une mesure qu'il appartiendra à la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs de fixer ;

Considérant qu'il y a lieu, dans cette mesure, de renvoyer la SCP X..., pour la fixation du montant de l'indemnité légale, devant la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCP AGUTTTES et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le montant de l'indemnité due à la SCP X... sera calculé en compensant par une majoration le caractère atypique de l'exercice 1995.

Article 2 : La décision du 9 juillet 2003 de la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La SCP X... est renvoyée devant la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs en vue de la fixation du montant de l'indemnité qui lui est due au titre de la loi du 10 juillet 2000.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP X... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCP X..., à la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-03-05-06 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE - COMMISSAIRES-PRISEURS - SUPRESSION DU MONOPOLE DANS LE DOMAINE DES VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES (LOI DU 10 JUILLET 2000) - INDEMNISATION PRÉVUE PAR LA LOI AU TITRE DE LA DÉPRÉCIATION DE LA VALEUR PÉCUNIAIRE DU DROIT DE PRÉSENTATION - DÉTERMINATION DE LA VALEUR DE L'OFFICE EN VUE DU CALCUL DE L'INDEMNITÉ (ART. 39 DE LA LOI DU 10 JUILLET 2000) - DÉFINITION DES TERMES DE CET ARTICLE 39 INDÉPENDANTE DE CELLE DONNÉE PAR LA LÉGISLATION FISCALE.

55-03-05-06 Lorsqu'elle détermine la valeur d'un office de commissaire-priseur au sens et pour l'application de la loi du 10 juillet 2000 prévoyant une indemnisation compensant la perte du monopole pour les ventes volontaires de meubles aux enchères, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs n'est pas tenue par la définition donnée, dans le cadre d'autres législations, des termes employés à l'article 39 de cette loi donnant les critères d'évaluation. Il suit de là que l'office requérant n'est pas fondé à soutenir que la seule définition qui pourrait être prise en compte des débours, dont l'article 39 prévoit qu'ils viennent en diminution de la recette encaissée par l'office, serait celle donnée pour l'application de la loi fiscale.


Références :



Publications
Proposition de citation: CE, 19 nov. 2004, n° 260379
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : DELVOLVE

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 19/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 260379
Numéro NOR : CETATEXT000008179000 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-11-19;260379 ?
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