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24/11/2004 | FRANCE | N°249757

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 24 novembre 2004, 249757


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 août et 28 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LAROQUEBROU, représentée par son maire en exercice, domicilié à l'Hôtel de ville à Laroquebrou (15150) ; la COMMUNE DE LAROQUEBROU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a annulé 1) le jugement du 8 avril 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté la demande de M. X et de Mme Y tendant

à l'annulation de la décision du 7 mars 1995 du maire de Laroquebrou de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 août et 28 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LAROQUEBROU, représentée par son maire en exercice, domicilié à l'Hôtel de ville à Laroquebrou (15150) ; la COMMUNE DE LAROQUEBROU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a annulé 1) le jugement du 8 avril 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté la demande de M. X et de Mme Y tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 1995 du maire de Laroquebrou de faire exécuter des travaux sur leur immeuble et de la délibération du conseil municipal de Laroquebrou du 30 mars 1995 imputant aux propriétaires les frais exposés pour faire cesser l'état de péril de l'immeuble, 2) le jugement du 17 juin 1999 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'avis de sommes à payer en date du 10 avril 1995, pour un montant de 6 328,16 euros ;

2°) de mettre à la charge de M. X et Mme Y le versement d'une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Herbert Maisl, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Blanc, avocat de la COMMUNE DE LAROQUEBROU,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation : En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, provoque la nomination par le juge du tribunal d'instance d'un homme de l'art qui est chargé d'examiner l'état des bâtiments dans les 24 heures qui suivent sa nomination. Si le rapport de cet expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient point été exécutées dans le délai imparti par la sommation, le maire a le droit de faire exécuter d'office aux frais du propriétaire les mesures indispensables (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté en date du 10 août 1994 pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le maire de Laroquebrou a enjoint à M. Philippe X et aux ayants droit de son frère, Frédéric, décédé, tous propriétaires indivis d'un immeuble situé rue Damont, de prendre, dans un délai d'un mois à compter de sa notification, des mesures provisoires pour garantir la sécurité publique, consistant en la pose de tirants destinés à conforter l'immeuble et d'une bâche sur le toit pour supprimer les infiltrations d'eau et empêcher les tuiles de glisser ; que cet arrêté précisait que, faute pour les propriétaires d'effectuer les mesures prescrites, il pourrait être procédé d'office et à leurs frais aux travaux ; que, par une décision du 7 mars 1995, le maire a avisé les propriétaires qui n'avaient pas exécuté son arrêté qu'il allait d'office et à leurs frais procéder auxdits travaux ; que, les travaux ayant été effectués, le conseil municipal de la commune a décidé, par une délibération du 30 mars 1995, de procéder au recouvrement de la somme de 85 866,13 F correspondant à leur coût et aux frais d'expertise et a chargé le receveur de la commune et le maire de recouvrer ces sommes ; que, par un avis de sommes à payer en date du 10 avril 1995 émis par le receveur percepteur, M. Philippe X s'est vu réclamer la somme de 42 933,07 F ; que les propriétaires de l'immeuble ont attaqué la décision du 7 mars 1995, la délibération du 30 mars 1995 et l'avis de sommes à payer du 10 avril 1995 devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que leurs demandes ont été rejetées par un jugement en date du 8 avril 1997 pour ce qui est de la décision du 7 mars 1995 du maire, de la délibération du conseil municipal du 30 mars 1995 et par un jugement en date du 17 juin 1999 pour ce qui est de l'avis de sommes à payer du 10 avril 1995 ; que, sur les requêtes formées par M. Philippe X et Mme Y, veuve de M. Frédéric X, contre le jugement du 8 avril 1997 et de M. Philippe X contre le jugement du 17 juin 1999, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement annulé ces jugements et a annulé la décision du maire en date du 7 mars 1995, la délibération du conseil municipal en date du 30 mars 1995 en tant qu'elle met à la charge des propriétaires, M. Philippe X et Mme Y, veuve de M. Frédéric X la somme de 83 020 F et l'avis de sommes à payer du 10 août 1995 en tant qu'il met à la charge de M. Philippe X la somme de 41 510 F ; que la commune se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la décision du maire de Laroquebrou en date du 7 mars 1995 :

Considérant que la cour, qui n'était pas tenue de répondre aux arguments développés en défense par la commune, a suffisamment motivé son arrêt en jugeant, par une appréciation souveraine des faits, que la décision du maire en date du 7 mars 1995 de faire exécuter d'office des travaux, avait en réalité pour objet d'empêcher la démolition de l'immeuble et était ainsi entachée d'un détournement de pouvoir ; qu'ainsi, la commune n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il annule cette décision ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur l'avis de sommes à payer émis par le receveur percepteur, le 10 avril 1995, à la demande du maire :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que l'annulation de l'avis de sommes à payer émis par le receveur percepteur, le 10 avril 1995, prononcée par la cour par voie de conséquence de l'annulation de la décision du maire du 7 mars 1995 ordonnant la réalisation d'office des travaux, devrait être censurée à la suite de l'annulation de cet arrêt en tant qu'il annule cette décision ; que la cour ayant jugé par une appréciation souveraine des faits que les travaux réalisés d'office n'étaient pas conformes à ceux prévus par l'arrêté de péril, elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit et sans méconnaître son office de juge de plein contentieux qu'il y avait lieu d'annuler l'avis de sommes à payer en tant qu'il demandait à M. X le paiement de la part des travaux qui lui incombait, tout en maintenant à sa charge une partie des frais d'expertise ;

Sur l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur la délibération du conseil municipal en date du 30 mars 1995 décidant le recouvrement des frais exposés et qu'il adresse une injonction de payer à la commune :

Considérant que la commune avait fait valoir devant la cour que les conclusions de M. Philippe X et de Mme Y, tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal du 30 mars 1995, échappaient à la compétence de la juridiction administrative ; que la cour a, cependant, statué sur ces conclusions qu'elle a partiellement accueillies sans répondre au préalable à cette exception d'incompétence ; qu'ainsi l'arrêt de la cour est entaché d'irrégularité en tant qu'il a statué sur la légalité de cette délibération et doit être annulé sur ce point ;

Considérant que la cour condamne la commune à rembourser à M. X la somme de 41 510 F assorti d'intérêts moratoires au taux légal à compter de l'encaissement du chèque émis par celui-ci ; qu'elle a assorti cette condamnation d'une injonction de payer dans un délai de trois mois alors qu'elle n'était pas saisie d'une demande d'injonction ; que, dès lors, la commune est fondée à soutenir que la cour a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie ; qu'ainsi, l'arrêt de la cour doit également être annulé en tant qu'il a prononcé une telle injonction ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond dans la limite des annulations prononcées ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la légalité de la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE LAROQUEBROU en date du 30 mars 1995 décidant de procéder au recouvrement d'une somme correspondant au coût des travaux effectués d'office sur l'immeuble des consorts X et aux frais d'expertise de l'immeuble ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant, d'une part, que si, en vertu de l'article L. 121-26 du code des communes alors applicable, le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune et si, aux termes de l'article L. 122-9 sous le contrôle du conseil municipal (...) le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : 3°) de préparer et proposer le budget..., ces dispositions ne peuvent être interprétées comme conférant au conseil municipal compétence pour constater l'existence, la quotité et l'exigibilité de chaque créance de la commune et décider d'en poursuivre le recouvrement ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation : Lorsqu'à défaut du propriétaire, le maire a dû prescrire l'exécution de travaux ainsi qu'il a été prévu aux articles L. 511-2 et L. 511-3, le montant des frais est avancé par la commune ; il est recouvré comme en matière d'impôts directs ; qu'aux termes de l'article R. 241-4 du code des communes, dans sa rédaction alors en vigueur : Les produits des communes (...) qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat, en exécution des lois et règlements en vigueur sont recouvrés (...) en vertu d'arrêtés, d'états ou de rôles pris ou émis et rendus exécutoires par le maire (...) ; que si l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation dispose que les frais avancés par la commune sont recouvrés comme en matière d'impôts directs, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que ces frais qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat, soient recouvrés selon la procédure définie à l'article R. 241-4 du code des communes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par la délibération attaquée, le conseil municipal de Laroquebrou a mandaté le maire pour recouvrer la créance détenue par la commune sur les consorts X du fait des travaux exécutés d'office sur leur immeuble et des frais d'expertise de celui-ci ; que, ce faisant, et alors même que cette délibération a été prise sur rapport conforme du maire, le conseil municipal a excédé sa compétence ; que, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. X et de Mme Y tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal en tant qu'elle autorise le maire à recouvrer le montant des travaux réalisés d'office sur l'immeuble des consorts X ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE LAROQUEBROU tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. X et de Mme Y, veuve X,, la somme que la COMMUNE DE LAROQUEBROU demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 25 juin 2002 est annulé en tant que, d'une part, il a annulé la délibération du conseil municipal de Laroquebrou du 30 mars 1995 en tant qu'elle porte sur le montant des travaux réalisés sur l'immeuble des consorts X et en tant que, d'autre part, il a enjoint en son article 3 à la COMMUNE DE LAROQUEBROU de procéder avant l'expiration d'un délai de trois mois au remboursement de la somme de 41 510 F à M. X.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 avril 1997 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X et de Mme Y tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Laroquebrou en date du 30 mars 1995 en tant qu'elle autorise le maire à recouvrer auprès de M. X et de Mme Y le montant des travaux réalisés d'office sur l'immeuble leur appartenant.

Article 3 : La délibération du conseil municipal en date du 30 mars 1995 est annulée en tant qu'elle autorise le maire à recouvrer auprès de M. X et de Mme Y le montant des travaux réalisés d'office sur l'immeuble leur appartenant.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. X et de Mme Y et le surplus des conclusions de la requête présentée devant le Conseil d'Etat par la COMMUNE DE LAROQUEBROU sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LAROQUEBROU, à M. Philippe X, à Mme Bernadette Y, veuve X, au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 249757
Date de la décision : 24/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2004, n° 249757
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Herbert Maisl
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249757.20041124
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