La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2004 | FRANCE | N°265051

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 26 novembre 2004, 265051


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 2004 et 27 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Massiré X, demeurant chez ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler

cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui déliv...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 2004 et 27 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Massiré X, demeurant chez ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à payer à la SCP Bore et Xavier, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 mai 2001, de la décision du préfet de police du 23 mai 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X vit habituellement en France depuis novembre 1990, soit depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bore et Xavier, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner celui-ci à lui payer la somme de 2 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 27 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Le préfet statuera sur la régularisation de la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bore et Xavier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 2 500 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Massiré X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 nov. 2004, n° 265051
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. de La Verpillière
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 26/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 265051
Numéro NOR : CETATEXT000008196273 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-11-26;265051 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award