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29/11/2004 | FRANCE | N°252953

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 29 novembre 2004, 252953


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2002 et 30 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI, dont le siège est ..., la Galilée à Noisy-le-Grand cedex (93198) ; l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 octobre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande dirigée contre le jugement du 19 décembre 1997 du tribunal administratif de Nancy annulant la décision du 21 février 1997 du directeur

de son agence locale de Neufchâteau refusant de signer quatre contrats...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2002 et 30 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI, dont le siège est ..., la Galilée à Noisy-le-Grand cedex (93198) ; l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 24 octobre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande dirigée contre le jugement du 19 décembre 1997 du tribunal administratif de Nancy annulant la décision du 21 février 1997 du directeur de son agence locale de Neufchâteau refusant de signer quatre contrats initiative-emploi dont l'E.U.R.L. Autrefois avait sollicité la signature, l'a condamnée à verser à cette entreprise une indemnité de 192 000 F (29 270,21 euros) et lui a enjoint de statuer à nouveau, sous astreinte, de 200 F (30,49 euros) par jour de retard, sur la demande de celle-ci ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Nancy et de rejeter la demande présentée devant lui par l'E.U.R.L. Autrefois ;

3°) de mettre à la charge de l'E.U.R.L. Autrefois le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 95-881 du 4 août 1995 ;

Vu le décret n° 95-925 du 19 août 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Auditeur,

- les observations de Me Rouvière, avocat de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision du 21 février 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 322-4-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 1995 : Afin de faciliter l'insertion professionnelle durable des demandeurs d'emploi de longue durée (...), l'Etat peut conclure avec des employeurs des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail dénommés contrats initiative-emploi (...) ; que l'article L. 322-4-3 du même code ajoute que ces contrats initiative-emploi peuvent être conclus par tout employeur (...) ; qu'enfin, le premier alinéa du décret du 19 août 1995, pris pour l'application de ces dispositions, précise que Les demandeurs d'emploi de longue durée mentionnés au premier alinéa de l'article L. 322-4-2 sont les personnes qui ont été inscrites comme demandeurs d'emploi pendant au moins douze mois durant les dix-huit mois qui ont précédé la date d'embauche ;

Considérant, en premier lieu, que, dans son arrêt en date du 24 octobre 2002, la cour administrative d'appel de Nancy a énoncé les éléments de fait qui l'ont conduite à regarder comme des demandeurs d'emploi de longue durée les quatre employés pour lesquels l'E.U.R.L. Autrefois sollicitait le bénéfice des dispositions précitées relatives au contrat initiative-emploi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêt attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI s'était bornée à faire valoir devant les juges du fond que les salariés intéressés avaient refusé les offres d'emploi qui leur avaient été faites ; qu'en écartant le moyen ainsi présenté, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er du décret du 19 août 1995 que la situation de chômeur de longue durée résulte de l'inscription comme demandeur d'emploi pendant au moins douze mois sur les dix-huit mois qui ont précédé la date d'embauche ; que, par suite, en se référant à cette dernière date pour apprécier la qualité de chômeur de longue durée des quatre personnes embauchées par l'E.U.R.L. Autrefois, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Nancy prononçant l'annulation de la décision du 21 février 1997 et lui enjoignant de statuer à nouveau sur la demande de l'E.U.R.L. Autrefois ;

Sur la responsabilité de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI et sa condamnation au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que s'il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de vérifier que les conditions légales et réglementaires ouvrant droit aux contrats initiative-emploi sont remplies et si, dès lors que tel est le cas, les employeurs de demandeurs d'emploi de longue durée ont droit au bénéfice de ce dispositif, l'article 7 du décret du 20 août 1995 prévoit que les conventions relatives aux contrats initiative-emploi sont conclues entre l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI, agissant au nom de l'Etat, et l'employeur ; que, par suite, lorsque le directeur d'une agence locale de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI refuse de conclure une telle convention, il doit être regardé comme agissant pour le compte de l'Etat et non en qualité d'exécutif de cet établissement public ; qu'une collectivité publique ne pouvant être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, il appartenait à la cour administrative d'appel de Nancy de soulever d'office ce moyen, qui n'impliquait l'appréciation d'aucune circonstance de fait ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en estimant que le refus opposé par le directeur de l'agence locale de Neufchâteau était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI et en condamnant celle-ci à réparer le préjudice résultant de ce refus, ainsi qu'en ne relevant pas que le tribunal administratif de Nancy ne pouvait mettre à la charge de l'Agence une somme de 3 000 F (457,35 euros) sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, dans ces conditions, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par son article 3, il a condamné l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI à réparer le préjudice subi par l'E.U.R.L. Autrefois ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a condamné l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI à réparer le préjudice résultant pour l'E.UR.L. Autrefois de la décision du 21 février 1997 du directeur de son agence locale de Neufchâteau et a mis à sa charge une somme de 3 000 F (457,35 euros) au titre de l'article 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, d'autre part, de rejeter les conclusions présentées sur chacun de ces deux points devant le tribunal administratif par l'E.U.R.L. Autrefois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'E.U.R.L. Autrefois la somme demandée par l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 24 octobre 2002 est annulé en tant qu'il a condamné l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI à verser une somme de 192 000 F (29 270,21 euros) à l'E.U.R.L. Autrefois.

Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 19 décembre 1997 sont annulés.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'E.U.R.L. Autrefois devant le tribunal administratif de Nancy et tendant à ce que l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI soit condamnée à l'indemniser du préjudice résultant de la décision du 21 février 1997 du directeur de son agence locale de Neufchâteau et à ce que soit mise à sa charge une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI, à l'E.U.R.L. Autrefois et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 252953
Date de la décision : 29/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLÈMES D'IMPUTABILITÉ - PERSONNES RESPONSABLES - CONVENTIONS RELATIVES AUX CONTRATS INITIATIVE-EMPLOI CONCLUES PAR L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI AU NOM DE L'ETAT - REFUS ILLÉGAL DE SIGNATURE ENGAGEANT LA RESPONSABILITÉ DE L'ETAT.

60-03-02 Les conventions relatives aux contrats initiative-emploi sont conclues, en vertu de l'article 7 du décret du 20 août 1995, par l'employeur et l'agence nationale pour l'emploi agissant au nom de l'Etat. Dans ces conditions, le refus illégal opposé par le directeur d'une agence locale pour l'emploi à une demande de signature d'une convention inititiative-emploi engage la responsabilité de l'Etat et non celle de l'ANPE.

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - AIDE À L'EMPLOI - CONTRATS INITIATIVE-EMPLOI (ART - L - 322-4-2 ET S - DU CODE DU TRAVAIL) - A) DROIT AU BÉNÉFICE DE CE DISPOSITIF RECONNU AUX EMPLOYEURS DÈS LORS QUE LES CONDITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES SONT REMPLIES - B) CONVENTIONS RELATIVES À CES CONTRATS CONCLUES ENTRE L'EMPLOYEUR ET L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI AGISSANT AU NOM DE L'ETAT - CONSÉQUENCE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT ENGAGÉE PAR UN REFUS ILLÉGAL DE CONCLURE UNE TELLE CONVENTION.

66-10-01 a) Dès lors que les conditions légales et réglementaires ouvrant droit aux contrats initiative-emploi prévus par les articles L. 322-4-2 et suivants du code du travail sont remplies, les employeurs des demandeurs d'emploi de longue durée ont droit au bénéfice de ce dispositif.,,b) Les conventions relatives aux contrats initiative-emploi sont conclues, en vertu de l'article 7 du décret du 20 août 1995, par l'employeur et l'agence nationale pour l'emploi agissant au nom de l'Etat. Dans ces conditions, le refus illégal opposé par le directeur d'une agence locale pour l'emploi à une demande de signature d'une convention inititiative-emploi engage la responsabilité de l'Etat et non celle de l'ANPE.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2004, n° 252953
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : ROUVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:252953.20041129
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