Vu la requête, enregistrée le 14 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bamba X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2003 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2003 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du 3°) du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : (...) le préfet de police peut par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière (...) si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il est constant que M. X, ressortissant malien, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, en date du 1er août 2002, de la décision du préfet de police du 29 juillet 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du I-3°) de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet de police peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent être l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse, légalement, être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes du 3°) de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie, par tout moyen, résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans, si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ; qu'il résulte de ces dispositions éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, que l'étranger qui, dans les dix premières années suivant son entrée en France, a obtenu un titre de séjour portant la mention étudiant ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale qu'après avoir résidé habituellement en France pendant plus de quinze ans, tandis que l'étranger qui a séjourné en France sans titre de séjour portant la mention étudiant, alors même qu'il aurait, durant cette période, effectué des études, peut prétendre à la délivrance de cette même carte de séjour temporaire s'il justifie y avoir résidé habituellement pendant plus de dix ans ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'a pas séjourné en France sous couvert d'une carte de séjour portant la mention étudiant ; que, par suite, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif n'a pu sans erreur de droit se fonder, pour rejeter la demande de ce dernier dirigée contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, sur ce qu'il devait justifier d'un séjour habituel de quinze années en France ;
Considérant, d'autre part, que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif s'est également fondé sur ce que M. X ne justifiait pas d'un séjour habituel de dix années en France ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. X, entré sur le territoire national le 6 août 1992 justifiait, au 8 avril 2003, date à laquelle le préfet de police a pris à son encontre un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, d'un séjour habituel en France de plus de dix ans ; que, dans ces conditions, et alors même qu'au cours de cette période, il aurait été, à plusieurs reprises, inscrit à l'université sans avoir, toutefois, bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 12 bis 3°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 8 avril 2003 et à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. X de la somme de 500 euros qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement en date du 19 juin 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 8 avril 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bamba X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.