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01/12/2004 | FRANCE | N°261551

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 01 décembre 2004, 261551


Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Marie X...
A... Y, demeurant ... ; Mme A... Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

Vu les autres piè...

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Marie X...
A... Y, demeurant ... ; Mme A... Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de Me Capron, avocat de Mme A... Y,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... Y, de nationalité haïtienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 septembre 2002, de la décision du préfet de police du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... Y, entrée en France le 31 décembre 1998, s'est mariée le 19 juillet 2001 avec M. Joseph Z...
Y..., de nationalité haïtienne, titulaire d'une carte de résident de dix ans, dont elle a un enfant né le 12 juin 2000 et scolarisé en France ; que dans ces circonstances, et alors même que l'intéressée peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a demandé l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer à nouveau sur la situation de Mme A... Y dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 11 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A... Y sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur la demande de Mme A... Y dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie X...
A... Y, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 261551
Date de la décision : 01/12/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2004, n° 261551
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Leroy
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261551.20041201
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