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08/12/2004 | FRANCE | N°263422

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 08 décembre 2004, 263422


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 4 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Adrian X et son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal admin

istratif de Versailles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention eu...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 4 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Adrian X et son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Versailles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marisol Touraine, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ; qu'enfin, aux termes de son article 23 : 1. L'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l'une des Parties contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des Parties contractantes (...) 3. Lorsque le départ volontaire d'un tel étranger n'est pas effectué ou lorsqu'il peut être présumé que ce départ n'aura pas lieu (...), l'étranger doit être éloigné du territoire de la Partie contractante sur lequel il a été appréhendé, dans les conditions prévues par le droit national de cette Partie contractante ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : III. Les dispositions du 2° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention ; qu'aux termes du I du même article : I. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...)

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions précitées du III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne et dispensés de l'obligation de visa qui se sont maintenus sur le territoire des Etats parties à ladite convention au delà de la durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée sur le territoire de l'un quelconque des Etats parties à la convention ;

Considérant qu'en vertu des stipulations de la liste de l'annexe II du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié, les ressortissants de Roumanie sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Adrian X, de nationalité roumaine, est entré le 17 juin 2003 en Allemagne, Etat partie à la convention de Schengen ; qu'il n'est pas contesté qu'il s'est maintenu sans interruption sur le territoire des Etats parties à la convention de Schengen au delà de cette date ; qu'ainsi, le 4 décembre 2003, date de la mesure d'éloignement prise à son encontre, M. X se trouvait dans le cas où, en application du III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que, dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés litigieux, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce que M. X serait entré sur le territoire français au plus tôt le 17 septembre 2003 et, par suite, ne séjournait pas sur ce territoire depuis plus de trois mois à la date de la mesure de reconduite ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant que par arrêté du 6 février 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le PREFET DE L'ESSONNE a consenti à M. André Turi, directeur de la réglementation et des libertés publiques, une délégation pour signer, en toutes matières ressortissant à ses attributions, tous arrêtés, décisions, pièces et correspondances relevant du ministère de l'Intérieur ou des départements ministériels ne disposant pas de services en Essonne ; que les arrêtés décidant de la reconduite à la frontière ou du placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire d'un étranger pris sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée entrent dans le champ d'une telle délégation ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que M. André Turi n'aurait pas eu compétence pour signer les arrêtés litigieux ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si la circonstance que, postérieurement à la mesure de reconduite litigieuse, M. X ait exprimé l'intention de déposer une demande d'asile politique, faisait éventuellement obstacle à l'exécution de l'arrêté litigieux, elle est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de celui-ci ;

Considérant que si M. X soutient que les décisions litigieuses seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et auraient porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie familiale normale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 4 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Adrian X et son placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : le jugement du 8 décembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : la présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Adrian X, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 263422
Date de la décision : 08/12/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2004, n° 263422
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Marisol Touraine
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:263422.20041208
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