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08/12/2004 | FRANCE | N°270432

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème ssr, 08 décembre 2004, 270432


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 10 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE EIFFEL-DISTRIBUTION, dont le siège est rue d'Alsace à Levallois-Perret (92300) et la SOCIETE LEVALLOIS-DISTRIBUTION, dont le siège est 102, rue Jean Jaurès à Levallois-Perret (92300) ; les SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION demandent au Conseil d'Etat :

1°) d 'annuler l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur re

quête tendant à la suspension de l'exécution des décisions explicite du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 10 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE EIFFEL-DISTRIBUTION, dont le siège est rue d'Alsace à Levallois-Perret (92300) et la SOCIETE LEVALLOIS-DISTRIBUTION, dont le siège est 102, rue Jean Jaurès à Levallois-Perret (92300) ; les SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION demandent au Conseil d'Etat :

1°) d 'annuler l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête tendant à la suspension de l'exécution des décisions explicite du 11 mai 2004 et implicite de rejet du 15 mai 2004 opposée par le maire de Levallois-Perret à leur demande de résiliation de la convention publique d'aménagement conclue le 20 novembre 2003 par la commune avec la société d'économie mixte d'aménagement, de rénovation et d'équipement de Levallois-Perret (SEMARELP) et de l'avenant n° 3, signé en mai 2003, au contrat de mandat daté du 21 décembre 2000 également conclu avec la SEMARELP ;

2°) de suspendre l'exécution des décisions contestées ;

3°) d'enjoindre à la ville de Levallois-Perret de procéder à la résiliation des deux conventions dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Levallois-Perret la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré produite le 24 novembre 2004, pour la société SEMARELP et la ville de Levallois-Perret ;

Vu la directive n° 92/50/CEE du Conseil des Communautés européennes du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services modifiée par la directive n° 97/52/CEE ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Tiberghien, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE EIFFEL-DISTRIBUTION et de la SOCIETE LEVALLOIS-DISTRIBUTION et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la ville de Levallois-Perret et de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement de renovation et d'équipement de Levallois-Perret (SEMARELP),

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION, qui exploitent à Levallois-Perret deux hypermarchés à l'enseigne "Leclerc", demandent l'annulation de l'ordonnance du 9 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris leur a dénié tout intérêt leur donnant qualité pour contester le refus opposé par le maire de Levallois-Perret à leur demande de résiliation de l'avenant n° 3, signé en mai 2003, au contrat de mandat conclu par la ville avec la SEMARELP le 21 décembre 2000 et de la convention publique d'aménagement signée le 20 novembre 2003 par la ville avec la même société ;

Considérant que la demande des sociétés requérantes en date du 12 mars 2004 tendait à obtenir du maire de Levallois-Perret la résiliation, en raison de leur passation illégale, des deux contrats susmentionnés par lesquels la ville avait notamment confié à la SEMARELP d'une part, l'acquisition, dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), des biens fonciers nécessaires à la restructuration du centre commercial Eiffel, au nombre desquels ceux qu'elles possédaient, d'autre part, la "pré-commercialisation" des droits de construire de la future ZAC et, à ce titre, le soin de sélectionner l'exploitant du seul hypermarché prévu dans le centre commercial rénové ; qu'en exécution de cette dernière mission, la SEMARELP a organisé début 2004, alors que le plan d'aménagement de la ZAC était déjà établi en vue de son approbation formelle par le conseil municipal, délivrée le 5 avril 2004, une consultation restreinte auprès de quatre enseignes de la grande distribution comportant, entre autres sujétions, le paiement par le candidat retenu d'un droit d'entrée fixé à 38 puis 40 millions d'euros minimum, tout en les informant que les deux sociétés en place auraient la faculté d'exercer le droit de priorité prévu à l'article L. 314-5 du code de l'urbanisme, à l'issue de la consultation en s'alignant sur l'offre la mieux disante ; que le rejet par le maire de Levallois-Perret, le 11 mai 2004, de la demande de résiliation, alors que la consultation restreinte était définitivement engagée en ce sens et sur le point de se conclure de façon irréversible, était notamment fondé sur l'existence d'une divergence d'appréciation quant à la portée de ce droit de priorité ; que, par ailleurs, la décision de refus de résiliation des deux conventions constitue un acte détachable des contrats ; qu'en relevant dans ces conditions que les stipulations contenues dans les deux conventions n'étaient pas de nature à léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts des sociétés requérantes, que la mission de pré-commercialisation n'avait pas pour effet de porter atteinte au droit de priorité dont celles-ci bénéficiaient et que par suite ces sociétés ne justifiaient pas d'un intérêt direct de nature à leur donner qualité pour agir contre le refus de résilier ces contrats, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée ; que son ordonnance doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur les conclusions tendant à la suspension des décisions des 11 et 15 mai 2004 du maire de Levallois-Perret refusant de résilier les conventions susmentionnées :

Considérant qu'à l'encontre de la décision du maire de Levallois-Perret refusant de résilier l'avenant n° 3 à la convention de mandat, au motif notamment que cet avenant ne portait pas atteinte au droit de priorité prévu à l'article L. 314-5 du code de l'urbanisme, les sociétés requérantes font valoir que ce document contractuel confie à la société d'économie mixte mandataire, la SEMARELP, la mission nouvelle de pré-commercialiser les droits de construire de la future ZAC ; qu'un tel avenant ne pouvait être légalement conclu qu'à l'issue d'un appel à la concurrence ; que la loi du 7 juillet 2003 réputant valides les conventions de mandat conclues sans mise en concurrence avant le 6 mars 2003 ne peut s'appliquer à l'avenant concerné ; que la convention de mandat qui en constitue le fondement est contraire aux dispositions de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme régissant les missions des sociétés d'économie mixte ; qu'en l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du maire refusant de résilier l'avenant ;

Considérant qu'à l'encontre du rejet par le maire de la demande de résiliation de la convention publique d'aménagement conclue le 20 novembre 2003 entre la SEMARELP et la ville, les sociétés requérantes soutiennent que la convention méconnaît les articles L. 300-5 du code de l'urbanisme, L. 1523-2 et L. 1523-4 du code général des collectivités territoriales, qui prescrivent que la participation financière de la collectivité à l'opération d'aménagement doit y être chiffrée précisément ; que le document contractuel est dépourvu de cause, puisqu'au moment de sa conclusion, la ZAC qui en constitue l'objet, n'avait donné lieu à aucune décision de création approuvant les choix d'aménagement dont la convention organise la réalisation ; que ce dernier moyen est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus de résilier la convention ;

Considérant que la sélection par la SEMARELP, par délégation de la commune, du futur exploitant du seul hypermarché prévu dans le centre commercial de la ZAC Gustave Eiffel est de nature à porter aux intérêts des sociétés requérantes, qui détiennent actuellement cette position, une atteinte grave et immédiate, justifiant l'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension demandée des décisions des 11 et 15 mai 2004 du maire de Levallois-Perret en tant qu'elles rejettent la demande de résiliation de la convention publique d'aménagement du 20 novembre 2003 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a seulement lieu d'enjoindre au maire de Levallois-Perret de se prononcer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sur la demande de résiliation de la convention publique d'aménagement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Levallois-Perret au profit de chacune des sociétés requérantes une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elles tant devant le Conseil d'Etat que devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris en application de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle, en revanche, à ce que les sommes que la ville et la SEMARELP demandent au même titre soient mises à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas, dans la présente affaire, les parties perdantes ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 9 juillet 2004 est annulée.

Article 2 : L'exécution des décisions du maire de Levallois-Perret des 11 et 15 mai 2004 refusant de résilier la convention publique d'aménagement du 20 novembre 2003 est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Levallois-Perret de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la demande de résiliation de la convention publique d'aménagement présentée par les SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la requête de la ville de Levallois-Perret relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La ville de Levallois-Perret communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour assurer l'exécution de la présente décision.

Article 7 : La ville de Levallois-Perret versera à chacune des SOCIETES EIFFEL-DISTRIBUTION et LEVALLOIS-DISTRIBUTION une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EIFFEL-DISTRIBUTION, à la SOCIETE LEVALLOIS-DISTRIBUTION, à la SEMARELP, à la ville de Levallois-Perret et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 270432
Date de la décision : 08/12/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-02 PROCÉDURE. INTRODUCTION DE L'INSTANCE. INTÉRÊT POUR AGIR. EXISTENCE D'UN INTÉRÊT. - SOCIÉTÉS EXPLOITANT DES HYPERMARCHÉS DANS DEUX CENTRES COMMERCIAUX ET CONTESTANT LE REFUS DE LA COMMUNE DE RÉSILIER DEUX CONVENTIONS PORTANT SUR UNE OPÉRATION D'AMÉNAGEMENT DEVANT CONDUIRE À LA DISPARITION DE CES CENTRES.

54-01-04-02 La demande des sociétés requérantes, qui exploitent deux hypermarchés dans une commune, tendait à obtenir du maire de cette commune la résiliation, en raison de leur passation illégale, de deux contrats par lesquels la ville avait notamment confié à une société d'économie mixte d'une part, l'acquisition, dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), des biens fonciers nécessaires à la restructuration du centre commercial dans lequel elles sont installées, au nombre desquels figurent ceux qu'elles possèdent, d'autre part, la pré-commercialisation des droits de construire de la future ZAC et, à ce titre, le soin de sélectionner l'exploitant du seul hypermarché prévu dans le centre commercial rénové. En exécution de cette dernière mission, la société d'économie mixte a organisé, alors que le plan d'aménagement de la ZAC était déjà établi en vue de son approbation formelle par le conseil municipal, une consultation restreinte auprès de quatre enseignes de la grande distribution comportant, entre autres sujétions, le paiement par le candidat retenu d'un droit d'entrée fixé à 38 puis 40 millions d'euros minimum, tout en les informant que les deux sociétés en place auraient la faculté d'exercer le droit de priorité prévu à l'article L. 314-5 du code de l'urbanisme, à l'issue de la consultation en s'alignant sur l'offre la mieux disante. En relevant dans ces conditions que les stipulations contenues dans les deux conventions n'étaient pas de nature à léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts des sociétés requérantes, que la mission de pré-commercialisation n'avait pas pour effet de porter atteinte au droit de priorité dont celles-ci bénéficiaient et que par suite ces sociétés ne justifiaient pas d'un intérêt direct de nature à leur donner qualité pour agir contre le refus de résilier ces contrats, le juge des référés du tribunal administratif a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2004, n° 270432
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Tiberghien
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:270432.20041208
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