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08/12/2004 | FRANCE | N°274432

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 08 décembre 2004, 274432


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hubert A, demeurant ... et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat suspende, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 23 septembre 2004 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision du conseil régional de Bretagne en date du 27 avril 2004 confirmant son inscription au tableau de l'ordre et la décision du conseil départemental du

Finistère du 18 décembre 2003, a rejeté sa demande d'inscriptio...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hubert A, demeurant ... et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat suspende, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision en date du 23 septembre 2004 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision du conseil régional de Bretagne en date du 27 avril 2004 confirmant son inscription au tableau de l'ordre et la décision du conseil départemental du Finistère du 18 décembre 2003, a rejeté sa demande d'inscription ;

il expose qu'en octobre 1989 il a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de sa petite fille au cours d'une procédure de divorce longue et douloureuse ; qu'en août 1998, après 11 ans et 8 mois d'incarcération, il a bénéficié d'une libération conditionnelle qui s'est achevée en février 2002 ; qu'en 1999 la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision du conseil régional de Bretagne qui l'avait relevé de son incapacité professionnelle ; qu'à l'instigation du juge de l'application des peines il a travaillé de 2000 à 2002 dans trois centres de recherches médicales ; qu'à la suite de la suppression des crédits de recherche il s'est trouvé au chômage ; que le relèvement de son incapacité a été prononcé le 24 mai 2003 par le conseil régional de Bretagne sans qu'un appel ait été interjeté ; qu'il a eu ainsi la possibilité de demander sa réinscription au tableau d'un conseil départemental ; que le conseil départemental des Deux-Sèvres, dans le ressort duquel il réside avec sa compagne et ses parents, lui a opposé un refus le 4 novembre 2003 ; qu'en revanche, sa demande a été favorablement accueillie par le conseil départemental du Finistère le 18 décembre 2003 puis par le conseil régional de Bretagne le 27 avril 2004 ; qu'il a pu ainsi exercer une activité médicale au sein de l'association des médecins du monde qui lui a proposé d'exercer en son sein, au service des toxicomanes ; que cependant, la section disciplinaire du Conseil national a infirmé les décisions d'inscription ; que les motifs invoqués à son encontre sont infondés en droit et en fait ; que l'argumentation du président du Conseil national a changé sans cesse ; que le but poursuivi est d'empêcher à tout prix sa réinsertion ; que les motivations d'ordre éthiques et déontologiques retenues par la section disciplinaire auraient dû être formulées dès la décision le relevant de son incapacité ; qu'il y a urgence à suspendre la décision de la section disciplinaire car elle met à bas tous les efforts de ceux qui ont oeuvré pour son retour dans la société et le replonge dans une situation sans issue et désespérante ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2004, présenté pour le Conseil national de l'ordre des médecins ; il conclut au rejet de la requête pour le motif qu'aucune des conditions mises par l'article L. 521-1 du code de justice administrative au prononcé de la suspension de la décision de refus d'inscription ne se trouve remplie ; que, s'agissant de la condition d'urgence, le requérant ne démontre pas au moyen d'arguments précis et circonstanciés en quoi la décision contestée porterait préjudice de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation ; qu'en tout état de cause, au regard des intérêts généraux qui président à l'octroi ou au refus d'inscription au tableau d'un médecin il n'est pas admissible que l'intéressé puisse continuer d'exercer sur la foi, le cas échéant, d'un seul doute , même sérieux, sur la légalité du refus d'inscription attaqué ; qu'au surplus, aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont il s'agit ; que le relèvement d'incapacité donne vocation à être inscrit au tableau sans conférer un droit ; qu'il résulte des termes de l'article 2 du décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 que les instances compétentes de l'ordre des médecins sont tenues de refuser l'inscription lorsqu'elles constatent que le demandeur ne remplit pas notamment la condition de moralité requise par le texte ; qu'en l'espèce, la gravité extrême du crime commis par l'intéressé est telle et manifeste une violation tant du respect de la vie humaine que de la dignité de la personne, fondements de la déontologie médicale, que le refus d'inscription ne saurait être entaché de la moindre erreur de la qualification juridique des faits ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 4111-1 (3°), L. 4112-1, L. 4112-5, L. 4121-2, L.4122-1, L. 4122-3 et L. 4124-8 ;

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 775, 776 et R. 79 ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins modifié notamment par les décrets n°s 77-456 du 28 avril 1977, 86-123 du 23 janvier 1986 et 89-627 du 31 août 1989, en particulier son article 2 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2 et L. 521-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Hubert A, d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 décembre 2004 au cours de laquelle ont été entendus :

- Maître Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Hubert A ;

- M. Hubert A ;

- Maître Barthélémy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation..., le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'appréciation portée de ce chef peut prendre en compte le délai prévisible de jugement de la requête en annulation de la décision dont la suspension est sollicitée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une condamnation à une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des faits constitutifs d'un assassinat commis le 5 janvier 1987, M. Hubert A a été radié du tableau de l'ordre des médecins par décision du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne en date du 8 septembre 1990 ; que l'intéressé a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 11 août 1998 jusqu'au 5 février 2002 ; que par une décision en date du 24 mai 2003, devenue définitive, le Conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne l'a relevé de son incapacité, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4124-8 du code de la santé publique ; que l'inscription au tableau a été décidée par une décision du Conseil départemental du Finistère en date du 18 décembre 2003, confirmée, après appel du Conseil national, par le Conseil régional de Bretagne, le 27 avril 2004 ; que ces deux dernières décisions ont été annulées par la section disciplinaire du Conseil national qui, par une décision du 23 septembre 2004, a rejeté la demande d'inscription en raison de la gravité extrême du crime commis par M. A ;

Considérant que si le refus d'inscription a conduit à ce que le docteur A soit licencié de l'emploi qu'il occupait au sein de médecins du monde ; l'intéressé ne se trouve pas, compte tenu en particulier de l'aide qui lui est apportée sur le plan familial, dans une situation de précarité telle qu'elle permette de regarder comme établie la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, alors surtout qu'il est possible à une formation de jugement de se prononcer dans un délai de l'ordre de deux mois sur le recours en annulation de la décision dont la suspension est présentement demandée ; qu'il y a donc lieu, en l'état, de rejeter la requête susvisée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les conclusions de la requête aux fins de suspension de la décision du 23 septembre 2004 de la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Hubert A et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 08 déc. 2004, n° 274432
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Bruno Genevois
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY ; SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 08/12/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 274432
Numéro NOR : CETATEXT000008230686 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-12-08;274432 ?
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