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10/12/2004 | FRANCE | N°273662

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 10 décembre 2004, 273662


Vu 1°), sous le n° 273662, la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Oscar D, demeurant à ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2004 par lequel la 3ème vice-présidente de l'assemblée de la Polynésie française a proclamé M. Gaston B, représentant à l'assemblée de la Polynésie française, élu président de la Polynésie française et d'annuler cette élection ;

2°) de mettre à la charge de M. B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du co

de de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibér...

Vu 1°), sous le n° 273662, la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Oscar D, demeurant à ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2004 par lequel la 3ème vice-présidente de l'assemblée de la Polynésie française a proclamé M. Gaston B, représentant à l'assemblée de la Polynésie française, élu président de la Polynésie française et d'annuler cette élection ;

2°) de mettre à la charge de M. B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée par M. F le 6 décembre 2004 ;

Vu 2°), sous le n° 273679, la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yves C, demeurant ... ; M. C demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêté du 22 octobre 2004 par lequel la 3ème vice-présidente de l'assemblée de la Polynésie française a proclamé l'élection de M. Gaston B en qualité de président de la Polynésie française ;

2°) annule cette élection ;

3°) mette à la charge de la 3ème vice-présidente la somme de 200 000 francs CFP en application de l'article L. 761 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré présentées les 2 et 6 décembre 2004 par M. C et le 6 décembre 2004 par M. F ;

Vu la Constitution, notamment son article 74 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. D et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B,

- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent toutes deux à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 octobre 2004 pour l'élection du président de la Polynésie française , qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes et des interventions du président de l'assemblée de la Polynésie française et de M. F ;

Sur le grief tiré de l'irrégularité du vote le 9 octobre 2004 de la motion de censure du gouvernement de la Polynésie française :

Considérant que l'article 104 de la loi organique du 27 février 2004 prévoit que l'assemblée de la Polynésie française est composée de cinquante-sept membres ; que l'article 156 de cette loi dispose : L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le cinquième des représentants à l'assemblée de la Polynésie française... / Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française... / L'adoption de la motion de censure met fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que deux motions de censure, rédigées en termes exactement identiques, ont été, en application de ces dispositions, présentées devant l'assemblée de la Polynésie française le 5 octobre 2004 ; que la première de ces motions, déposée à seize heures vingt-cinq par le groupe Tahoeraa Huiraatira, était signée par vingt-trois représentants à l'assemblée de la Polynésie française ; que la seconde, déposée à seize heures vingt-huit par le groupe Te Ara, n'était signée que par six représentants ; que lors de la séance du 9 octobre 2004, l'assemblée a débattu simultanément de ces deux motions ; qu'un seul vote a eu lieu, par lequel vingt-neuf représentants se sont prononcés en faveur de la motion de censure ; que, si ce vote a été présenté comme portant sur la motion déposée par le groupe Te Ara, le président de la séance a indiqué que l'adoption de cette motion rendait sans objet le vote de la motion présentée par le groupe Tahoeraa Huiraatira ; que dans ces conditions, le vote de l'assemblée, intervenu à l'issue de délibérations qui portaient sur les deux motions déposées, doit être regardé comme l'adoption d'une censure qui résultait des deux motions prises ensemble ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'assemblée aurait adopté une motion qui, présentée par le seul groupe Te Ara, n'aurait pas comporté le nombre minimum de signatures requis pour être recevable, doit être écarté ;

Considérant que, si la séance de l'assemblée du 8 octobre au cours de laquelle a débuté le débat sur la motion de censure a été interrompue par un incident qui a été abondamment commenté dans les médias par certains membres de l'assemblée, il ne résulte pas de l'instruction que la sincérité du scrutin, qui a eu lieu près de 24 heures après cet incident, en aurait été altérée ;

Considérant que la circonstance que le haut-commissaire de la République en Polynésie française a rappelé au président de l'assemblée de la Polynésie française par lettre du 9 octobre que le vote de la motion de censure devait avoir lieu ce jour avant minuit n'est pas de nature à entacher le vote de la motion de censure d'irrégularité ;

Considérant qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'irrégularité de la motion de censure entacherait d'irrégularité l'élection du président de la Polynésie française ;

Sur le grief tiré de l'incompétence de la 3ème vice-présidente pour convoquer et présider les séances de l'assemblée de la Polynésie française des 13, 19 et 22 octobre durant lesquelles respectivement a été fixée la date de l'élection et se sont déroulées les opérations électorales et pour proclamer le résultat de ces opérations :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 71 de la loi organique du 27 février 2004 : En cas de vacance ou par suite du vote d'une motion de censure, l'assemblée de la Polynésie française élit le président de la Polynésie française dans les quinze jours qui suivent la constatation de la vacance ou le vote de la motion de censure. Si l'assemblée n'est pas en session, elle se réunit de plein droit en session extraordinaire. ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte des dispositions précitées que le législateur organique a entendu, dans le cas où l'assemblée de la Polynésie française a mis fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure, insérer l'élection par cette même assemblée d'un nouveau président dans un délai bref qu'il a déterminé ;

Considérant en second lieu qu'il résulte de ces mêmes dispositions que le délai imparti par la loi organique dans le cas où une motion de censure a mis fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française pour l'élection du nouveau président de la Polynésie française court depuis le jour où la motion de censure a été adoptée et se termine le quinzième jour suivant à minuit ; que , par suite , l'assemblée ayant adopté le 9 octobre 2004 une motion censurant le gouvernement de M. D, le délai imparti par ces dispositions pour l'élection d'un nouveau président expirait le 24 octobre 2004 à minuit ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 12 octobre 2004, le président de l'assemblée de la Polynésie française a convoqué les membres de cette assemblée pour le 25 octobre afin d'élire le président de la Polynésie française sous réserve d'un vote favorable de l'assemblée sur cette date à sa séance du 21 octobre ; que la date du 25 octobre n'était pas conforme à la loi organique ; que le 13 octobre, le président de l'assemblée de la Polynésie française a réitéré ce choix et refusé de soumettre alors au vote de l'assemblée la date de l'élection ; que, ce même jour, lors d'une seconde séance présidée par la 3ème vice-présidente, l'assemblée a arrêté elle-même par une majorité de 29 membres la date de l'élection au 19 octobre ; que le quorum n'ayant pas été réuni ce jour, l'élection s'est tenue le 22 octobre soit dans les délais prévus par la loi organique ; que trois candidats ont déposé leur candidature dont M. D et M. B ; que ce dernier a été élu par 29 voix soit la majorité des membres composant l'assemblée ; que dès lors les conditions dans lesquelles a été organisée l'élection n'ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Sur le grief tiré de l'intervention du haut-commissaire de la République :

Considérant que la circonstance que le haut-commissaire de la République en Polynésie française a, par courriers des 11, 12 et 13 octobre, invité, sur le fondement de l'article 166 de la loi organique, le président de l'assemblée de la Polynésie française à convoquer cette assemblée sans délai de manière à organiser l'élection conformément aux dispositions des articles 69 et 71 de la loi organique et invité les vice-présidents, dans le cas où le président de l'assemblée de la Polynésie française ne ferait pas usage de ses pouvoirs conformément aux dispositions précitées de cette loi, à suppléer ce dernier n'est pas de nature à entacher l'élection d'irrégularité ;

Sur les griefs relatifs au déroulement des opérations électorales :

Considérant qu'eu égard à leur objet et aux délais qui s'imposent à l'organisation de l'élection du président de la Polynésie française par application des dispositions de l'article 71 de la loi organique, les ordres du jour des séances des 13, 19 et 22 octobre de l'assemblée de la Polynésie française n'impliquaient ni l'intervention de la conférence des présidents des groupes politiques de cette assemblée ni communication quatre jours avant la séance d'un rapport à chaque membre de l'assemblée ;

Considérant que la fixation de la date retenue pour l'élection du président de la Polynésie française a été faite dans le cadre d'une séance publique de l'assemblée le 13 octobre 2004 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la convocation individuelle de chaque candidat ; qu'eu égard aux délais prévus par les dispositions de l'article 69 de la loi organique pour le dépôt des candidatures et à la date du 19 octobre initialement retenue par l'assemblée pour l'élection, conformément à l'article 71 de la loi organique, la date du 14 octobre fixée pour le dépôt des candidatures n'est pas entachée d'irrégularité ;

Considérant qu'en fixant à une heure et trente minutes le temps d'intervention de chaque candidat l'assemblée n'a pas irrégulièrement limité leur temps de parole ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'élection du président de la Polynésie française qui s'est tenue le 22 octobre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. D et par M. C soit mise à la charge de M. B qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ceux-ci la somme demandée à ce titre par M. B ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M. D et de M. C et les conclusions de M. B tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Oscar D, à M. Yves C, à M. Gaston B, à M. René F, au président de l'assemblée de la Polynésie française, à la ministre de l'outre-mer et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 273662
Date de la décision : 10/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-07-03 ÉLECTIONS - ÉLECTIONS DIVERSES - ÉLECTIONS LOCALES DIVERSES - ELECTION DU PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE - A) RECEVABILITÉ DE L'EXCEPTION D'ILLÉGALITÉ DE LA MOTION DE CENSURE DONT L'ADOPTION A MIS FIN AUX FONCTIONS DU GOUVERNEMENT - B) ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE PRÉSIDÉE PAR LA 3ÈME VICE-PRÉSIDENTE LORS DU CHOIX DE LA DATE DE L'ÉLECTION ET LORS DU SCRUTIN - CIRCONSTANCE DE NATURE À EN ALTÉRER LA SINCÉRITÉ - ABSENCE, EN L'ESPÈCE.

28-07-03 a) Le moyen tiré de l'irrégularité du vote de la motion de censure ayant mis aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française et conduit à l'élection d'un nouveau président est recevable à l'encontre de cette élection.,,b) Aux termes du deuxième alinéa de l'article 71 de la loi organique du 27 février 2004 : En cas de vacance ou par suite du vote d'une motion de censure, l'assemblée de la Polynésie française élit le président de la Polynésie française dans les quinze jours qui suivent la constatation de la vacance ou le vote de la motion de censure. Si l'assemblée n'est pas en session, elle se réunit de plein droit en session extraordinaire. Il résulte de ces dispositions que le législateur organique a entendu, dans le cas où l'assemblée de la Polynésie française a mis fin aux fonctions du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de censure, insérer l'élection par cette même assemblée d'un nouveau président dans un délai bref qu'il a déterminé. Le président de l'assemblée de la Polynésie ayant refusé de prendre les mesures nécessaires pour que le vote intervienne avant l'expiration du délai, l'assemblée a, sous la présidence de la 3ème vice-présidente, arrêté la date de l'élection. Le scrutin s'est déroulé sous la présidence de la 3ème vice-présidente dans le délai imparti. Trois candidats ont déposé leur candidature et l'un d'eux a été élu par la majorité des membres composant l'assemblée. Dès lors, les conditions dans lesquelles a été organisée l'élection n'ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2004, n° 273662
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Agnès Daussun
Rapporteur public ?: M. Donnat
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:273662.20041210
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