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15/12/2004 | FRANCE | N°257171

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 15 décembre 2004, 257171


Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Maria X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-265...

Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Maria X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Marie Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme X,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 11 juillet 2002, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, elle était dans l'un des cas où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, en vigueur à la date du refus de titre de séjour opposé à Mme X : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin chef d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis rendu par le médecin chef de la préfecture de police le 18 mars 2002, d'ailleurs confirmé par son avis rendu le 11 septembre 2002 dans le cadre de l'instruction du recours gracieux formé par l'intéressée, donnait au PREFET DE POLICE les éléments lui permettant d'apprécier si l'état de santé de Mme X répondait aux conditions fixées par le 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 8 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que le refus de titre de séjour opposé à l'intéressée le 11 juillet 2002 aurait été pris au vu d'un avis médical incomplet ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que Mme X, de nationalité marocaine, âgée de 59 ans à la date de la décision attaquée, séjournait en France depuis moins de deux ans lorsque le PREFET DE POLICE a décidé sa reconduite à la frontière ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent plusieurs de ses enfants ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant que si Mme X fait valoir que son état de santé, lié à une insuffisance rénale, nécessite une prise en charge médicale, il ressort de l'avis du médecin chef de la préfecture de police du 18 mars 2002, d'ailleurs confirmé, ainsi qu'il a été dit, par son avis du 11 septembre 2002, que son état de santé ne justifie plus son séjour en France et que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la circonstance que Mme X ne disposerait pas de ressources au Maroc ne suffit pas à établir que ces soins ne pourront pas lui être effectivement assurés ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de Mme X en décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'avocat de Mme X demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 17 mars 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par Mme X et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Maria X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 déc. 2004, n° 257171
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 15/12/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 257171
Numéro NOR : CETATEXT000008194988 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-12-15;257171 ?
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