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15/12/2004 | FRANCE | N°270278

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 15 décembre 2004, 270278


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 3 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme Anita X, suspendu l'exécution de la décision du 15 juin 2004 par laquelle son maire a exercé le droit de préemption communal sur l'immeuble

cadastré section B n°s 33, 23, 24, 29, 35, 36, 502 et 513 ;

2°) statuant...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 3 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 juillet 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme Anita X, suspendu l'exécution de la décision du 15 juin 2004 par laquelle son maire a exercé le droit de préemption communal sur l'immeuble cadastré section B n°s 33, 23, 24, 29, 35, 36, 502 et 513 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par Mme X ;

3°) de mettre à la charge de Mme X le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Auditeur,

- les observations de Me Blanc, avocat de la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme X,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) et qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300-1 (...) ;

Considérant que pour suspendre, à la demande de Mme X, la décision en date du 15 juin 2004 par laquelle le maire de Saint-Hilaire-La-Gravelle (Loir-et-cher) a exercé le droit de préemption de la commune sur un ensemble immobilier composé de plusieurs parcelles d'une superficie totale de 7 837 m² sur lequel est construite une maison d'habitation, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a estimé que le moyen tiré de ce que la commune ne justifie pas d'un projet suffisamment précis à la date de la déclaration d'intention d'aliéner est, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle cette décision est prise ; que, par suite, en se plaçant, pour apprécier le caractère suffisamment précis du projet en vue duquel la décision de préemption a été prise, non à la date de cette décision mais à celle de la déclaration d'intention d'aliéner, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit, pour ce motif, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande de suspension présentée par Mme X devant le tribunal administratif d'Orléans ;

Considérant, d'une part, que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision ; qu'il peut toutefois en aller autrement au cas où le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple à l'intérêt s'attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'exercice du droit de préemption ; qu'il appartient au juge de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise ;

Considérant qu'en l'espèce, si la COMMUNE DE-SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE invoque l'urgence qu'il y aurait pour elle à réaliser des logements sociaux, cette circonstance particulière n'est pas établie par les pièces du dossier ; que, dès lors, la condition d'urgence énoncée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie à l'égard de Mme X, acquéreur évincé, sans que la commune puisse utilement se prévaloir de clauses figurant dans la promesse de vente signée le 17 avril 2004 ;

Considérant, d'autre part, que les moyens tirés de ce que, en tant qu'elle porte sur les parcelles 23 et 24 qui ne constituent pas une unité foncière avec les autres parcelles mises en vente et qui, classées en zone NC, ne sont pas situées dans une zone où le droit de préemption urbain peut s'exercer, la décision de préemption méconnaît les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, de ce que, en tant qu'elle porte sur la parcelle bâtie, la décision de préemption méconnaît les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme faute pour la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE de justifier, à la date de cette décision, de la réalité du projet de création de logements sociaux et de ce que les autres projets mentionnés dans les visas de la décision ne ressortissent pas au champ d'application de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, paraissent, en l'état de l'instruction, propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du maire de Saint-Hilaire-La-Gravelle en date du 15 juin 2004 ;

Considérant, enfin, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, que les autres moyens développés par Mme X et tirés de la violation des articles L. 2131-1 et L. 2122-22, 15°, du code général des collectivités territoriales ne paraissent pas de nature à faire naître un tel doute ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande de Mme X et de suspendre l'exécution de la décision du maire de Saint-Hilaire-La-Gravelle en date du 15 juin 2004 ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme X le versement de la somme demandée par la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE au titre des frais qu'elle a exposés tant devant le juge des référés que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE le versement à Mme X de la somme de 2 500 euros à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans en date du 7 juillet 2004 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 15 juin 2004 par laquelle le maire de Saint-Hilaire-La-Gravelle a exercé le droit de préemption sur un ensemble immobilier est suspendue.

Article 3 : La COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE versera à Mme X la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-HILAIRE-LA-GRAVELLE, à Mme Anita X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 270278
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-05 PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - VOIES DE RECOURS - CASSATION - ERREUR DE DROIT - DÉCISION DE PRÉEMPTION - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE SUFFISAMMENT PRÉCIS DU PROJET À LA DATE DE LA DÉCLARATION D'INTENTION D'ALIÉNER.

54-035-02-05 Commet une erreur de droit le juge du référé-suspension qui, pour apprécier le caractère suffisamment précis du projet en vue duquel une décision de préemption a été prise, se place, non à la date de cette décision mais à celle de la déclaration d'intention d'aliéner.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2004, n° 270278
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:270278.20041215
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