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15/12/2004 | FRANCE | N°274863

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 15 décembre 2004, 274863


Vu la requête enregistrée le 6 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ahmed A, demeurant ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 novembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de la Drôme d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de

titre de séjour autorisant à travailler ;

2°) de donner injonction au préfe...

Vu la requête enregistrée le 6 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ahmed A, demeurant ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 novembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de la Drôme d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour autorisant à travailler ;

2°) de donner injonction au préfet de la Drôme sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 3 jours après la date de notification de l'ordonnance à intervenir, d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour autorisant à travailler ;

3°) de condamner l'Etat, en application de l'article L. 767-1 du code de justice administrative au paiement de la somme de 2 000 euros ;

il soutient que le refus des services de la préfecture d'enregistrer immédiatement sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'aucune disposition légale n'autorise le préfet à retarder de trois mois l'enregistrement de la demande de titre de séjour et la délivrance d'un récépissé ; que cela conduit à retarder de trois mois la naissance d'une décision implicite éventuelle de refus ; qu'en l'absence de délivrance de récépissé, il ne peut quitter la France et y revenir en dispense de visa ; qu'il entre dans la catégorie des bénéficiaires de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis de l'ordonnance du 12 novembre 1945 et des articles 86 et suivants de la loi du 26 novembre 2003 prévoyant la délivrance d' un visa et d' un titre de séjour temporaire aux bénéficiaires du relèvement d' interdiction du territoire, même constaté par le procureur sans décision de la juridiction de jugement, ; qu'il y a urgence compte tenu du fait que son enfant et son épouse vivent en France ; que le juge a commis une erreur de droit en subordonnant son droit à jouir d'une liberté fondamentale à la détention effective d'un visa ; que son entrée irrégulière en France ne peut lui être opposée dès lors qu'il peut invoquer l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 et les articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que le refus de visa fondé sur son signalement au fichier d' information de Schengen est illégal ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2004, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui tend au rejet de la requête ; il soutient que si un récépissé n'a pas été délivré à M. Ahmed A, c'est parce qu'il ne s'est pas présenté aux services de la préfecture muni de la totalité des justificatifs nécessaires ; que la convocation qui lui a été remise, revêt la même valeur juridique qu'un récépissé au regard du droit au séjour en France des ressortissants étrangers ; qu'ainsi, il n'a pas été porté atteinte à son droit d'aller et venir et de mener une vie familiale normale ; que les services de la préfecture de la Drôme n'ont pas procédé à l'éloignement de l'intéressé au vu des informations figurant encore irrégulièrement sur le fichier des personnes recherchées ; qu'ils ont pris acte de la réhabilitation de M. A qui se verra reconnaître prochainement un nouveau droit au séjour en France compte tenu de sa situation familiale et du fait qu'il a été titulaire d' une carte de résident entre 1984 et 1994 ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Ahmed A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mardi 14 décembre 2004 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me CHEVALIER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Monsieur Ahmed A ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Tout étranger doit, s'il séjourne en France et après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée sur le territoire français, être muni d'une carte de séjour délivrée dans les conditions prévues à la présente ordonnance (...) / La carte de séjour peut provisoirement être remplacée par le récépissé de la demande de délivrance ou de renouvellement de ladite carte (...) ; que le premier alinéa de l'article 9 de la même ordonnance dispose que : Les étrangers en séjour en France, âgés de plus de dix-huit ans, doivent être titulaires d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, est tenu de se présenter à Paris à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) / La demande doit être présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France ; que l'article 4 du même décret prévoit enfin que : Il est délivré à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de carte de séjour un récépissé valant autorisation de séjour pour la durée qu'il précise (...) ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, a vécu régulièrement en France de 1984 à 1994, sous couvert d'une carte de résident, avec son épouse et leurs enfants ; qu'il a fait l'objet le 9 octobre 1991 d'une condamnation par la Cour d'appel de Metz à une peine de prison de quatre ans assortie d'une interdiction définitive du territoire français ; qu'après avoir été libéré et être rentré au Maroc, il a sollicité le relèvement de l'interdiction du territoire dont il faisait l'objet en invoquant la réhabilitation de plein droit prévue par les dispositions de l'article 133-13 du code pénal ; que par deux courriers en date des 29 juillet et 24 septembre 2003, le Procureur général près la cour d'appel de Metz lui a indiqué, d'une part, que le bulletin n° 1 de son casier judiciaire était vierge de toute mention et, d'autre part, que cette absence de mention sous-entendait l'absence d'interdiction particulière ; qu'il n'est pas contesté qu'il est alors irrégulièrement entré en France et s'est présenté le 5 octobre 2004 auprès de la préfecture de la Drôme afin de solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; qu'une convocation à se présenter à la préfecture le 4 janvier 2005 muni d'un dossier complet lui a alors été délivrée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et du décret du 30 juin 1946 que l'étranger qui sollicite, pour la première fois ou à titre de renouvellement, une carte de séjour a le droit, s'il a déposé un dossier complet, d'obtenir un récépissé de sa demande qui vaut autorisation provisoire de séjour ; que le ministre de l'intérieur soutient que M. A n'était pas, lorsqu'il s'est présenté au bureau des étrangers, muni de la totalité des justificatifs nécessaires pour valider sa demande, au regard, notamment, de la situation particulière dans laquelle il se trouvait ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, la durée de trois mois imposée au requérant entre la date de sa demande de titre de séjour et celle de sa convocation au bureau des étrangers de la préfecture, durée pendant laquelle l'intéressé a été muni d'un document qui, selon les écritures du ministre confirmées en audience, avait, en pratique, la même valeur qu'un récépissé et faisait obstacle à ce qu'il soit considéré comme étant en situation irrégulière sur le territoire et fasse l'objet d'une mesure d'éloignement, n'a pas créé une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'au surplus, dans son mémoire en défense, le ministre de l'intérieur a affirmé que la préfecture de la Drôme a bien pris acte de la réhabilitation de l'intéressé et que ce dernier se verra reconnaître très prochainement un nouveau droit au séjour en France ;

Considérant ainsi que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A les frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ahmed A, au préfet de la Drôme et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 274863
Date de la décision : 15/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2004, n° 274863
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:274863.20041215
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