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29/12/2004 | FRANCE | N°249034

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 29 décembre 2004, 249034


Vu 1°), sous le n° 249034, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 22 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI VILLA D'AUTEUIL, dont le siège est Tour Maine Montparnasse, ... (75755) ; la SCI VILLA D'AUTEUIL demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 4 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 2 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 novembre 1995 du maire de Paris lui accor

dant un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble ...

Vu 1°), sous le n° 249034, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 22 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI VILLA D'AUTEUIL, dont le siège est Tour Maine Montparnasse, ... (75755) ; la SCI VILLA D'AUTEUIL demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 4 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 2 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 novembre 1995 du maire de Paris lui accordant un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier, ensemble l'arrêté du 1er avril 1997 lui accordant un permis modificatif ;

Vu 2°), sous le n° 249488, la requête, enregistrée le 9 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a estimé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation du jugement du 2 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 novembre 1995 du maire de Paris accordant à la SCI Villa d'Auteuil un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier, ensemble l'arrêté du 1er avril 1997 lui accordant un permis modificatif ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Villa d'Auteuil la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Anne Courrèges, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI VILLA D'AUTEUIL, de Me Brouchot, avocat de M. X... et autres et de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la SCI VILLA D'AUTEUIL et de la VILLE DE PARIS sont dirigées contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération en date du 25 novembre 1991, le conseil de Paris a modifié le plan d'occupation des sols de la ville de Paris et institué une zone de plan de masse intitulée Auteuil-Henri Martin devant régir les utilisations du sol sur les parcelles de l'ancienne emprise ferroviaire de la gare d'Auteuil ; que, par un arrêté en date du 30 novembre 1995, le maire de Paris a délivré à la SCI VILLA D'AUTEUIL, choisie comme promoteur du projet d'aménagement envisagé sur ce site, un permis de construire concernant six immeubles d'habitation et un centre commercial ; que, par un deuxième arrêté en date du 1er avril 1997, il a accordé à la même société un permis modificatif ; que, par un jugement en date du 2 avril 1998, le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés en faisant droit au moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la délibération du 25 novembre 1991 mentionnée ci-dessus ; que, par un arrêt en date du 4 juin 2002, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme relatif au contenu des plans d'occupation des sols, dans sa rédaction alors applicable : Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles (...) 3. Ces zones urbaines ou naturelles comprennent, le cas échéant (...) c) lorsqu'il y a lieu d'imposer des prescriptions architecturales, les secteurs pour lesquels un plan de masse coté à trois dimensions définit des disciplines spéciales ; qu'aux termes de l'article R. 123-21 du même code : (...) Pour les secteurs prévus par l'article R. 123-18 (I, 3°) pour lesquels un plan de masse coté à trois dimensions définit des disciplines spéciales, les prescriptions architecturales figurent sur ce plan de masse ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente en matière d'élaboration de plans d'occupation des sols peut, dans les zones urbaines ou naturelles, instituer des secteurs particuliers régis par des prescriptions spéciales matérialisées au moyen d'un plan de masse permettant d'organiser l'insertion des constructions projetées dans leur environnement ; qu'eu égard à sa finalité, ce type de document, dès lors qu'une collectivité décide d'y avoir recours, doit faire apparaître avec suffisamment de précision les zones d'implantation des constructions projetées, notamment en vue d'apprécier les espaces auxquels ont vocation à s'appliquer les prescriptions architecturales et les règles de hauteur ainsi définies ; que, toutefois, les dispositions précitées du code de l'urbanisme n'impliquent pas que soit nécessairement indiquée sur ce document graphique la localisation exacte, sur le terrain, des futurs bâtiments ; que, par suite, en déclarant illégale la délibération du 25 novembre 1991 créant la zone de plan de masse Auteuil-Henri Martin au motif que le plan de masse applicable à cette zone ne faisait pas apparaître, sur le terrain d'assiette, l'implantation des divers bâtiments qui pourront y être édifiés, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, la SCI VILLA D'AUTEUIL et la VILLE DE PARIS sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... et les autres demandeurs ont, par une lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 31 janvier 1996, communiqué à la SCI VILLA D'AUTEUIL, copie du recours gracieux qu'ils avaient présenté le jour même devant la VILLE DE PARIS afin d'obtenir le retrait du permis de construire délivré le 30 novembre 1995 ; qu'ainsi, ce recours gracieux, qui a été notifié conformément aux exigences des dispositions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur, a eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; que, par suite, la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris était recevable ;

Sur la légalité des permis de construire des 30 novembre 1995 et 1er avril 1997 :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la VILLE DE PARIS a décidé de soumettre l'édification de constructions d'habitation ou à vocation commerciale sur les parcelles issues de l'emprise de l'ancienne liaison ferroviaire Auteuil-Henri Martin à des règles spéciales d'urbanisme pouvant différer des règles normalement applicables aux zones UH ; qu'à cette fin, elle a eu recours à la combinaison d'un règlement particulier de zone et d'un plan de masse ; qu'ainsi, en créant par la délibération du 25 novembre 1991 la zone de plan de masse Auteuil-Henri Martin , le conseil de Paris a entendu faire application des dispositions du c) du 3° du I de l'article R. 123-18 et de l'article R. 123-21 du code de l'urbanisme, sans que soient de nature à y faire obstacle ni la circonstance que le plan de masse ainsi arrêté couvre l'ensemble de la zone en cause, et non un secteur délimité au sein de cette zone, ni le caractère plus contraignant des règles retenues par rapport à celles applicables dans les zones voisines ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les prescriptions d'emprise au sol et de hauteur figurant au plan de masse de la zone Auteuil-Henri Martin , qui se présente sous la forme d'un enchevêtrement de zones hachurées et non sous celle d'un plan côté à trois dimensions, ne définissent pas avec suffisamment de précision les zones d'implantation et enveloppes des constructions projetées ; que si les articles R. 123-18 et R. 123-21 n'interdisent pas de reproduire ou de préciser, dans le règlement de zone, les prescriptions architecturales et règles applicables, les dispositions du règlement de la zone litigieuse ne permettent pas, en l'espèce, de pallier les carences du document graphique ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les insuffisances du plan de masse, alors même que le recours à une telle technique est facultatif, entraînaient l'illégalité de la délibération du 25 novembre 1991 modifiant le plan d'occupation des sols de la VILLE DE PARIS et créant la zone de plan de masse Auteuil-Henri Martin et, par voie de conséquence, l'illégalité des permis délivrés les 30 novembre 1995 et 1er avril 1997 sur le fondement de cette modification ; qu'il ne saurait être utilement soutenu qu'ils auraient dû limiter leur contrôle à l'erreur manifeste d'appréciation susceptible d'entacher le plan de masse litigieux dès lors qu'est en cause une erreur de droit tirée de la méconnaissance des dispositions des articles R. 123-18 et R. 123-21 du code de l'urbanisme et non une erreur quant au parti d'urbanisme pris par la municipalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en appel par les défendeurs, que la SCI VILLA D'AUTEUIL et la VILLE DE PARIS ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 avril 1998, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du maire de Paris en date des 30 novembre 1995 et 1er avril 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions présentées par la VILLE DE PARIS sur le fondement de ces dispositions, tendant à ce que soit mise à la charge de la SCI VILLA D'AUTEUIL une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de la SCI VILLA D'AUTEUIL et de la VILLE DE PARIS une somme globale de 2 200 euros au titre des frais de même nature que les défendeurs ont exposés ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 4 juin 2002 est annulé.

Article 2 : Les requêtes présentées par la SCI VILLA D'AUTEUIL et la VILLE DE PARIS devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.

Article 3 : La SCI VILLA D'AUTEUIL et la VILLE DE PARIS verseront solidairement une somme globale de 2 200 euros à M. X..., à Mme Y..., à M. F, à l'association de sauvegarde Auteuil-Raffet et à l'association Porte d'Auteuil environnement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SCI VILLA D'AUTEUIL, de la VILLE DE PARIS, de M. X..., de Mme Claudie Y..., de M. F, de l'association de sauvegarde Auteuil-Raffet et de l'association Porte d'Auteuil environnement est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI VILLA D'AUTEUIL, à la VILLE DE PARIS, à M. Michel X..., à Mme Claudie Y..., à M. Z... F, à l'association de sauvegarde Auteuil-Raffet, à l'association Porte d'Auteuil environnement et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 249034
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-019-02 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES RÈGLES FIXÉES PAR LES POS - PORTÉE DES DIFFÉRENTS ÉLÉMENTS DU POS - DOCUMENTS GRAPHIQUES - Plan de masse définissant des prescriptions spéciales - Délimitation suffisamment précise des zones d'implantation des constructions projetées, sans obligation d'indiquer leur localisation exacte.

Il résulte des dispositions alors applicables des articles R. 123-18 et R. 123-21 du code de l'urbanisme que l'autorité compétente en matière d'élaboration de plans d'occupation des sols peut, dans les zones urbaines ou naturelles, instituer des secteurs particuliers régis par des prescriptions spéciales matérialisées au moyen d'un plan de masse permettant d'organiser l'insertion des constructions projetées dans leur environnement. Eu égard à sa finalité, ce type de document, dès lors qu'une collectivité décide d'y avoir recours, doit faire apparaître avec suffisamment de précision les zones d'implantation des constructions projetées, notamment en vue d'apprécier les espaces auxquels ont vocation à s'appliquer les prescriptions architecturales et les règles de hauteur ainsi définies. Toutefois, les dispositions précitées du code de l'urbanisme n'impliquent pas que soit nécessairement indiquée sur ce document graphique la localisation exacte, sur le terrain, des futurs bâtiments.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 249034
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : BROUCHOT ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; FOUSSARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249034.20041229
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