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29/12/2004 | FRANCE | N°251609

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 29 décembre 2004, 251609


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 2002 et 12 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DES EAUX-BONNES, représentée par son maire ; la COMMUNE DES EAUX-BONNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, réformant le jugement du 7 juillet 1998 du tribunal administratif de Pau, l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables du glissement de terrain survenu dans la propriété de ceux

-ci, dans la nuit du 25 au 26 décembre 1993, et l'a condamnée à leur ve...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 2002 et 12 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DES EAUX-BONNES, représentée par son maire ; la COMMUNE DES EAUX-BONNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, réformant le jugement du 7 juillet 1998 du tribunal administratif de Pau, l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables du glissement de terrain survenu dans la propriété de ceux-ci, dans la nuit du 25 au 26 décembre 1993, et l'a condamnée à leur verser la somme de 311 872,82 F (47 545 euros) ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme X une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 64-262 du 14 mars 1964 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Christnacht, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DES EAUX-BONNES,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un glissement de terrain a affecté, dans la nuit du 25 au 26 décembre 1993, une partie de la propriété de M. et Mme X, à la suite d'abondantes chutes de pluies survenues sur la COMMUNE DES EAUX-BONNES ; que le tribunal administratif de Pau, après avoir ordonné une expertise, a estimé que la commune devait être reconnue responsable de la moitié du préjudice subi par M. et Mme X à raison de l'imputabilité du sinistre à un ouvrage public communal et l'a condamnée à verser à ceux-ci une somme de 165 580,16 F (25 242 euros) ; que, par l'arrêt attaqué, à l'encontre duquel la COMMUNE DES EAUX-BONNES se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur appel relevé par la commune et sur appel incident de M. et Mme X, a réformé ce jugement en déclarant la commune entièrement responsable des dommages subis par M. et Mme X et estimés par ceux-ci dans leur appel incident à la somme de 311 872,82 F (47 545 euros) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à son examen que, pour apprécier le caractère direct du lien entre l'ouvrage public communal et le dommage, la cour administrative d'appel ne pouvait, sans dénaturer les faits, affirmer que les eaux se seraient principalement déversées dans la propriété de M. et Mme X au travers de la partie effondrée du mur de soutènement de la route communale située en surplomb de leur propriété, alors que le rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Pau ne fait état que d'une fissuration de ce mur et que tant ce rapport que d'autres pièces du dossier soumis aux juge du fond n'évoquent pas une pénétration des eaux par cette voie, mais suggèrent, au contraire, que l'entrée de la propriété a dû constituer la voie principale de pénétration des eaux ;

Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DES EAUX-BONNES est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L.821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les intempéries qui ont frappé la commune, pour violentes qu'elles aient été, aient présenté, à raison notamment de leur imprévisibilité, le caractère d'un événement de force majeure ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la COMMUNE DES EAUX-BONNES devrait être exonérée de toute responsabilité pour ce motif doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages subis par M. et Mme X sont la conséquence directe de l'écoulement des eaux de ruissellement sur la route communale, en l'absence d'ouvrages communaux permettant leur évacuation ; que, dès lors, même sans faute, la responsabilité de la COMMUNE DES EAUX-BONNES est engagée ; qu'il résulte aussi de l'instruction, d'une part, que les eaux de ruissellement de la voie communale ont envahi la propriété, en l'absence de caniveau au droit de celle-ci et que, d'autre part, le glissement du terrain a également été provoqué par les eaux de pluie tombant directement sur le terrain, rendu instable à raison de sa nature géologique schisteuse ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme X aient réalisé dans leur propriété des travaux facilitant la réception des eaux qui découlent naturellement de la route communale, comme le prescrivent les dispositions de l'article 20 du décret du 14 mars 1964 susvisé, alors pourtant que leur propriété était classée en zone inconstructible au titre du plan d'exposition aux risques naturels prévisibles adopté par la commune en 1987 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la COMMUNE DES EAUX-BONNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau l'a condamnée à indemniser M. et Mme X de la moitié des dommages subis par eux, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de M. et Mme X qui tendent à ce que la commune soit déclarée entièrement responsable de ces dommages ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents produits devant la cour administrative d'appel de Bordeaux par M. et Mme X eux-mêmes, que le montant des dommages subis par M. et Mme Beschi s'élèvent à 311 872,82 F (47 545 euros) ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Pau doit être réformé en ce qu'il retient le montant de 331 160,32 F (50 485 euros) pour l'estimation des dommages et fixe à 165 580,16 F (25 242 euros) le montant de l'indemnisation ; que cette indemnisation doit être ramenée à la somme de 23 772 euros (155 936,41 F) ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme X la somme que la COMMUNE DES EAUX-BONNES demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 10 septembre 2002 est annulé.

Article 2 : La somme que la COMMUNE DES EAUX-BONNES a été condamnée à verser à M. et Mme X par le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 juillet 1998 est ramenée à 23 772 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 juillet 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DES EAUX-BONNES devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et l'appel incident de M. et Mme X devant cette même cour sont rejetés.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DES EAUX-BONNES devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DES EAUX-BONNES et à M. et Mme X.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 29 déc. 2004, n° 251609
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 29/12/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 251609
Numéro NOR : CETATEXT000008154701 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-12-29;251609 ?
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