Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 24 septembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 mars 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Taieb X et de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 16 mars 2001, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 3) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il réside de façon continue en France depuis 1988, les documents qu'il produit, qui sont essentiellement constitués, pour les années antérieures à 1996, de témoignages et de courriers adressés à l'intéressé en France ou expédiés par lui de France, sont insuffisamment probants pour établir sa présence habituelle sur le territoire français depuis cette date ; qu'il en résulte que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 6 mars 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'intéressé justifiait, à la date de cet arrêté, d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X fait valoir sans autres précisions qu'il vit depuis plusieurs années en France et y a noué de nombreux liens ; que toutefois, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. X au respect de sa vie familiale ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 24 septembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 mars 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 6 mars 2002, n'appelle sur ce point aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 24 septembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Taïeb X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.