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29/12/2004 | FRANCE | N°255335

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 29 décembre 2004, 255335


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 10 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de la défense sur sa demande en date du 1er août 2002 tendant à ce que sa pension de retraite soit révisée compte tenu de la bonification d'ancienneté mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier les bases de liquidation de sa pensio...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 10 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de la défense sur sa demande en date du 1er août 2002 tendant à ce que sa pension de retraite soit révisée compte tenu de la bonification d'ancienneté mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification dans un délai de deux mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de la revaloriser rétroactivement dans le même délai et sous la même sanction et de lui verser les intérêts sur les sommes dues à compter du 1er août 2002 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la présente affaire, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'elle ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses enfants, la décision implicite par laquelle le ministre de la défense n'a pas fait droit à la demande de M. X tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de cette bonification est entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 alors applicable du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser rétroactivement en conséquence la pension qui lui a été concédée ; qu'il demande également que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2002 ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses quatre enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension militaire de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 1er août 2002, jour où il a demandé le paiement de ces sommes ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de M. X en date du 1er août 2002 tendant à la révision de sa pension militaire de retraite est annulée.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 1er août 2002.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Robert X, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255335
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 255335
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:255335.20041229
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