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29/12/2004 | FRANCE | N°255450

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 29 décembre 2004, 255450


Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 10 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Puiu X et fixant la Roumanie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le président du tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du

dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des lib...

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 10 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Puiu X et fixant la Roumanie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le président du tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : 1. Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans qu'un contrôle des personnes soit effectué. (...) 3. La suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures ne porte atteinte ni aux dispositions de l'article 22, ni à l'exercice des compétences de police par les autorités compétentes en vertu de la législation de chaque Partie contractante sur l'ensemble de son territoire, ni aux obligations de détention, de port et de présentation de titres et documents prévues par sa législation ; qu'aux termes de son article 5 : 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : (...) c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens... ; qu'aux termes de son article 20 : 1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ; qu'enfin, aux termes de son article 23 : 1. L'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l'une des Parties contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des Parties contractantes (...) 3. Lorsque le départ volontaire d'un tel étranger n'est pas effectué ou lorsqu'il peut être présumé que ce départ n'aura pas lieu (...), l'étranger doit être éloigné du territoire de la Partie contractante sur lequel il a été appréhendé, dans les conditions prévues par le droit national de cette Partie contractante ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, applicable aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : I. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) II. - Les dispositions du 1° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; (...) b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...). III. Les dispositions du 2° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention ; qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du décret du 27 mai 1982 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Les documents relatifs aux garanties de rapatriement doivent permettre à l'étranger qui pénètre en France d'assurer les frais afférents à son retour du lieu situé sur le territoire métropolitain ou dans un département d'outre-mer, où il a l'intention de se rendre, jusqu'au pays de sa résidence habituelle ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions précitées du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, qui ne peuvent justifier être entrés sur le territoire métropolitain en se conformant aux exigences définies à l'article 5 de la convention, notamment celles du c) du paragraphe 1 dudit article relatives à la présentation des documents justificatifs de l'objet et des conditions de séjour ainsi qu'à la disposition de moyens de subsistance suffisants ; qu'il en va de même, sur le fondement des dispositions précitées du III de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de ceux d'entre eux qui ne remplissent plus les conditions posées par ces stipulations ;

Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, aucune des stipulations de la convention d'application de l'accord de Schengen ne prive les autorités de l'Etat où se trouve l'étranger de vérifier la régularité de la situation de celui-ci et de prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'égard de celui qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de séjour prévues par la convention ; que les stipulations de la convention n'interdisent pas davantage au préfet de décider de reconduire à la frontière un étranger entré depuis moins de trois mois sur le territoire d'un Etat partie à la convention ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité roumaine, est entré, par l'Autriche, le 5 février 2003, dans l'espace couvert par la convention d'application de l'accord de Schengen, et qu'il s'est ensuite rendu sur le territoire français, où il a été interpellé le 10 février 2003 ; qu'il est constant que M. X ne disposait pas des garanties de rapatriement prévues à l'article 4 du même décret et qu'il ne disposait pas davantage de moyens de subsistance suffisants ; que M. X se trouvait ainsi dans un cas où le préfet peut légalement faire application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé, en premier lieu, sur le fait que les stipulations conventionnelles précitées feraient obstacle à ce que les autorités nationales vérifient la régularité, au regard de ces stipulations, de la situation des étrangers en provenance d'un autre Etat partie à cette convention et, en second lieu, sur la circonstance que M. X ne pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière dès lors qu'il était entré depuis moins de trois mois sur le territoire d'un Etat partie à cette convention ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille ;

Considérant que, par un arrêté du 8 janvier 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le PREFET DU NORD a donné à M. Christophe Marx, secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord, délégation pour signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Marx n'avait pas compétence pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant que, suivant les propres déclarations de l'intéressé, ses ressources n'étaient constituées que d'une somme de 300 euros et d'un véhicule hors d'usage ; que, par suite, le PREFET DU NORD a pu, sans commettre d'erreur de droit, regarder ces ressources comme insuffisantes au sens des stipulations précitées de l'article 5 de la convention de Schengen et estimer que M. X pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière du 10 février 2003 pris à l'encontre de M. X ainsi que la décision distincte du même jour fixant la Roumanie comme pays de destination ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille en date du 14 février 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU NORD, à M. Puiu X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255450
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 255450
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:255450.20041229
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