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29/12/2004 | FRANCE | N°255796

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 29 décembre 2004, 255796


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 25 février 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension la bonification d'ancienneté pour enfant, prévue au b) de l'article L. 12 et à l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier, dans un délai de deux mois les bases de liquidation d

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Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 25 février 2003 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension la bonification d'ancienneté pour enfant, prévue au b) de l'article L. 12 et à l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier, dans un délai de deux mois les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification, de la revaloriser rétroactivement et de lui verser ces sommes assorties des intérêts au taux légal capitalisés au jour de la demande ;

3°) subsidiairement, de condamner l'Etat à réparer, d'une part, le préjudice résultant pour lui de la privation du supplément de pension auquel il était en droit de prétendre depuis l'entrée en jouissance de sa pension par l'allocation d'un capital, augmentée des intérêts de droit à compter de sa requête gracieuse et de leur capitalisation et, d'autre part, le préjudice résultant de la perte de supplément de pension pour l'avenir jusqu'à l'extinction de sa pension par l'allocation d'une rente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention, notamment son article 1er ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, notamment son article 48 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservé aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses enfants, l'arrêté du 16 décembre 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension militaire de retraite est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander l'annulation de la décision refusant la révision de sa pension ;

Considérant que, M. X demande qu'il soit ordonné au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension militaire de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de retraite de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 13 janvier 2003, jour où il a demandé le paiement de ces sommes ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation pour les intérêts échus un an après cette demande, soit le 13 janvier 2004 ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Est annulée la décision du 25 février 2003 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de révision, en date du 13 janvier 2003, présentée par M. X

Article 2 : Le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision et en conséquence de l'article 1er de celle-ci, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 13 janvier 2003. Les intérêts échus à la date du 13 janvier 2004 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255796
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 255796
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:255796.20041229
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