Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bénêche X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2002 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière à destination de Haïti ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que le moyen tiré des risques que courrait l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'article 1er de l'arrêté du 15 mars 2002 par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant que, pour établir la réalité des risques qu'il courrait, à titre personnel, en cas de retour dans son pays d'origine, M. X produit de nouvelles pièces devant le Conseil d'Etat ; qu'en particulier, il fournit une attestation, en date du 28 janvier 2004, de l'Eglise de l'Armée du Salut faisant état de son militantisme actif au service de mouvements d'opposition au régime en place ; que, notamment, sa qualité de secrétaire général du mouvement des paysans organisés de Duverger lui a valu de faire l'objet de poursuites et de persécutions de la part des forces militaires gouvernementales et que l'intéressé a dû vivre pendant deux ans dans la clandestinité avant de se réfugier en France ; que ces risques subsistaient à la date de l'arrêté attaqué dont l'article 2 fixe Haïti comme pays de destination de la reconduite à la frontière ; que M. X est, par suite, fondé à soutenir que l'article 2 de l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du préfet de police en date du 15 mars 2002 ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 16 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du préfet de police en date du 15 mars 2002.
Article 2 : L'article 2 de l'arrêté du 15 mars 2002 du préfet de police est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bénêche X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.