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29/12/2004 | FRANCE | N°257170

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 29 décembre 2004, 257170


Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat annule la décision de liquidation de sa pension en tant que celle-ci n'inclut pas dans les bases de liquidation la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne

et les protocoles qui y son annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militai...

Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat annule la décision de liquidation de sa pension en tant que celle-ci n'inclut pas dans les bases de liquidation la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y son annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, notamment son article 48 ;

Vu le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, conseiller-maître à la Cour des comptes, qui a atteint l'âge de la retraite le 20 juin 2000 et a été maintenu en activité jusqu'au 20 juin 2003, demande l'annulation de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 10 juin 2003 lui concédant une pension de retraite en tant que celle-ci a été calculée sans qu'il soit tenu compte des droits que lui ouvraient les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Considérant, en premier lieu, que le régime de bonification d'ancienneté prévu au b) de l'article L. 12 du code susmentionné n'a été modifié par la loi du 21 août 2003 que pour les pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ; que pour l'application de cette disposition de caractère transitoire, la date de liquidation de la pension s'entend de la date à laquelle les droits à pension ont été appréciés ; que la date d'effet de l'arrêté concédant une pension à M. X est le 20 juin 2000 ; qu'ainsi la demande présentée par l'intéressé doit être appréciée, comme il le soutient, au regard des dispositions du b) de l'article L. 12 dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au présent litige instituait, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses trois enfants, l'arrêté du 10 juin 2003 portant concession de sa pension est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où étaient maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans la rédaction qui lui était applicable ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 10 juin 2003 est annulé en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaire de retraite dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 257170
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 257170
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: Mlle Emmanuelle Cortot
Rapporteur public ?: M. Verclytte

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:257170.20041229
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