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29/12/2004 | FRANCE | N°266043

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 29 décembre 2004, 266043


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kout X...
Y... épouse Y demeurant ...) ; Mme Y... épouse Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouv

oir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Kout X...
Y... épouse Y demeurant ...) ; Mme Y... épouse Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat, sous une astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à Mme Y... épouse Y, de nationalité algérienne, par une décision en date du 27 novembre 2003, notifiée à l'intéressée le 10 décembre 2003, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, Mme Y... épouse Y, qui s'était maintenue sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de cette décision, se trouvait dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... épouse Y, qui était âgée de soixante-quatre ans à la date de l'arrêté attaqué et qui est hébergée par sa fille de nationalité française, a été hospitalisée à deux reprises, du 28 août 2003 au 15 septembre 2003, et du 28 décembre 2003 au 26 janvier 2004 pour des problèmes psychiatriques ; qu'elle produit un certificat médical d'un praticien hospitalier indiquant que son état de santé nécessite des soins pour une durée de six mois avec hospitalisation qui ne peuvent lui être prodigués en Algérie ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... épouse Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 février 2004 décidant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse Y et non pas d'une décision refusant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, Mme Y... épouse Y n'est pas fondée à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire, mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de la Seine-Saint-Denis de se prononcer sur la situation de Mme Y... épouse Y dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que demande Mme Y... épouse Y au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse Y sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme Y... épouse Y dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Y... épouse Y la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... épouse Y est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Kout X...
Y... épouse Y, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 266043
Date de la décision : 29/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2004, n° 266043
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:266043.20041229
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