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12/01/2005 | FRANCE | N°251395

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 12 janvier 2005, 251395


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 2002 et 5 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marc X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 7 juillet 1999 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande dirigée contre la décision du 26 octobre 1994 du président de la commission nationale de l'informatique et des libertés qui lui a fait savoir, e

n réponse à sa demande de communication des informations le concernant...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 2002 et 5 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marc X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 7 juillet 1999 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande dirigée contre la décision du 26 octobre 1994 du président de la commission nationale de l'informatique et des libertés qui lui a fait savoir, en réponse à sa demande de communication des informations le concernant contenues dans les fichiers des services des renseignements généraux, que l'un des membres de cette commission avait procédé aux vérifications prévues à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et que la procédure devant la commission était désormais terminée ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 7 juillet 1999 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 26 octobre 1994 du ministre de l'intérieur, révélée par le président de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l'article 31, alinéa 3, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X a saisi la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande tendant à ce que lui soit communiquées les informations le concernant contenues dans les fichiers des services des renseignements généraux ; qu'un certain nombre de ces informations lui ont été communiquées ; que M. X a fait savoir à la CNIL qu'il estimait que celles-ci étaient insuffisantes et qu'il souhaitait que soit portée à sa connaissance l'intégralité des informations le concernant figurant au fichier des renseignements généraux ; que, par une lettre du 26 octobre 1994, le président de la CNIL l'a informé que l'un des membres de la commission chargé de l'exercice du droit d'accès avait procédé aux vérifications demandées en application des dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et du décret du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers des renseignements généraux et que la procédure auprès de la commission était terminée ; que M. X a contesté cette décision de refus de communication du ministre de l'intérieur, révélée par la lettre du 26 octobre 1994, devant le tribunal administratif de Paris ; que celui-ci a ordonné au ministre de l'intérieur par un jugement avant-dire droit en date du 18 mars 1998 de produire les éléments du fichier des renseignements généraux comportant des informations concernant M. X ; que le ministre de l'intérieur a produit un mémoire qui n'a pas été communiqué à M. X ; que le requérant demande l'annulation de l'arrêt en date du 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 1999 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant de lui communiquer les informations sollicitées ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : Le titulaire du droit d'accès peut exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant et qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, ou l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ; qu'aux termes de l'article 39 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur : En ce qui concerne les traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, la demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener toutes investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l'article 31, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978 : L'interdiction résultant des articles 31 et 45 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée de mettre ou conserver en mémoire des données nominatives qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ainsi que les appartenances syndicales des personnes, est applicable aux services des renseignements généraux ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : Par dérogation aux dispositions de l'article 1er, sont autorisés, pour les seules fins et dans le strict respect des conditions définies aux articles 3 à 6 du présent décret, la collecte, la conservation et le traitement dans les fichiers des services des renseignements généraux d'informations nominatives relatives aux personnes majeures qui font apparaître : - les signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables, comme éléments de signalement dans les seuls cas visés par le 1° de l'article 3 ; - les activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même décret : Les informations mentionnées à l'article 2 ne pourront être collectées, conservées et traitées dans les fichiers des renseignements généraux, à l'exclusion de toute autre finalité, que dans les cas suivants : 1° Lorsqu'elles concernent des personnes qui peuvent, en raison de leur activité individuelle ou collective, porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique, par le recours ou le soutien actif apporté à la violence ainsi que les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec celles-ci ; 2° Lorsque ces informations concernent des personnes ayant obtenu ou sollicitant une autorisation d'accès à des informations protégées en application du décret du 12 mai 1981 susvisé et qu'elles sont nécessaires pour apprécier la vulnérabilité de ces personnes à des pressions exercées par des personnes physiques ou morales susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique (...) ; 3° Lorsque ces informations sont relatives à des personnes physiques ou morales qui ont sollicité, exercé ou exercent un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle politique, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires pour donner au Gouvernement ou à ses représentants les moyens d'apprécier la situation politique, économique ou sociale et de prévoir son évolution ; qu'aux termes de l'article 7 de ce même décret : Le droit d'accès aux informations figurant dans les fichiers constitués par les services des renseignements généraux s'exerce auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés. Le droit d'accès s'exerce conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978. Toutefois, lorsque des informations sont enregistrées conformément aux finalités prévues au 2° ou au 3° de l'article 3, la commission nationale de l'informatique et des libertés, en accord avec le ministre de l'intérieur, peut constater que ces informations ne mettent pas en cause la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et qu'il y a donc lieu de les communiquer à l'intéressé. Lorsque le requérant n'est pas connu du service des renseignements généraux, la commission nationale de l'informatique et des libertés lui indique, avec l'accord du ministre de l'intérieur, qu'aucune information le concernant ne figure dans le fichier. Le ministre de l'intérieur peut s'opposer à la communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant lorsque cette communication peut nuire à la sûreté de l'Etat, à la défense ou à la sécurité publique. Dans ce cas, la commission nationale de l'informatique et des libertés informe le requérant qu'il a été procédé aux vérifications ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les fichiers des renseignements généraux peuvent comprendre, d'une part, des informations intéressant la sûreté de l'Etat et la sécurité publique dont la communication à l'intéressé serait susceptible de mettre en cause les fins assignées à ce traitement et, d'autre part, des informations dont la communication ne mettrait pas en cause ces mêmes fins ; que, pour les premières, il incombe à la commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie par la personne visée par ces informations, de l'informer qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires ; que, pour les autres, la commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie par cette personne, peut lui en donner communication, avec l'accord du ministre ;

Considérant qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur la question de savoir si les informations concernant un requérant contenues dans les fichiers des renseignements généraux intéressent ou non la sûreté de l'Etat et la sécurité publique ; qu'en revanche, conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties ; que par suite, en estimant que le tribunal administratif de Paris n'avait pas porté atteinte au principe du caractère contradictoire de l'instruction en ne communiquant pas le mémoire produit par le ministre de l'intérieur en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par le tribunal, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que par suite, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le tribunal administratif de Paris a porté atteinte au principe du caractère contradictoire de l'instruction en ne communiquant pas le mémoire produit par le ministre de l'intérieur en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par son jugement avant dire-droit du 18 mars 1998 ; que par suite, le jugement attaqué 7 juillet 1999 est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, il doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments d'information fournis par le ministre de l'intérieur au Conseil d'Etat, communiqués au requérant dans le cadre de la procédure contradictoire, que le ministre de l'intérieur a transmis à M. X une partie des informations détenues à son sujet par le service central des renseignements généraux sous la forme d'une notice le concernant établie le 21 juillet 1989 et d'une note en date du 11 février 1985 émanant de la direction départementale des renseignements généraux des Alpes-Maritimes ; que pour justifier son refus de communiquer les autres documents détenus pas la direction centrale des renseignements généraux, le ministre de l'intérieur a invoqué, sans être sérieusement contredit par M. X, l'existence de liens financiers noués par l'intéressé avec des personnes faisant l'objet d'enquêtes et dont les activités pourraient mettre en cause la sécurité publique ; qu'un tel motif est de nature à justifier que l'accès à ces informations ne puisse relever que du droit d'accès indirect prévu par l'article 7 précité du décret du 14 octobre 1991 ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, révélée par la lettre du 26 octobre 1994 du président de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 7 août 2002 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 juillet 1999 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Marc X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et à la commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 251395
Date de la décision : 12/01/2005
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jan. 2005, n° 251395
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: M. Donnat
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:251395.20050112
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