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12/01/2005 | FRANCE | N°263631

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 12 janvier 2005, 263631


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 28 novembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Laïd X ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. X devant le tribunal administratif de Melun ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convent

ion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la conv...

Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 28 novembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Laïd X ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. X devant le tribunal administratif de Melun ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département, et à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X , de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 31 janvier 2003, de la décision par laquelle le PREFET DU VAL-DE-MARNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il mène depuis 2001 une vie commune avec une ressortissante française qu'il a épousée, postérieurement à l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, le 10 janvier 2004, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du caractère récent des liens ainsi créés et de la durée de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun s'est fondé, pour annuler la décision litigieuse, sur le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. AzzedineReR, tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a épousé, postérieurement à l'intervention de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, une ressortissante française, cette circonstance, qui est de nature, eu égard aux stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction issue de son 3ème avenant signé le 11 juillet 2001 selon lesquelles (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière (...) , à faire obstacle à l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière, est sans influence sur la légalité de cette même mesure qui a été prise avant le mariage ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en prenant l'arrêté du 28 novembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. X, le PREFET DU VAL-DE-MARNE n'a ni porté, comme il a été dit ci-dessus, une atteinte disproportionnée au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que le moyen tiré par M. X de ce que l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière aurait porté atteinte au droit de se marier manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X avait un enfant à la date de l'arrêté litigieux ; que, dès lors, il ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations précitées à l'encontre de l'arrêté en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à demander l'annulation du jugement du 3 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 28 novembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions incidentes présentées par M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU VAL-DE-MARNE de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions présentées en première instance par M. X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 3 décembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-DE-MARNE, à M. Laïd X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 jan. 2005, n° 263631
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mlle Sibyle Petitjean
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 12/01/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263631
Numéro NOR : CETATEXT000008213871 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-01-12;263631 ?
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