Vu la requête, enregistrée le 2 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Djilali X ;
2°) de rejeter les conclusions dirigées contre cette décision présentées par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant que M. XZY, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 26 février 2003, de l'arrêté du 3 janvier 2003 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, saisi par M. X de conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière, s'est fondé, pour annuler cet arrêté, sur ce que l'intéressé faisait l'objet de menaces de mort de la part de groupes terroristes ;
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré des risques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine, s'il peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger doit être éloigné est en revanche inopérant à l'égard de l'arrêté attaqué en tant que celui-ci ordonne sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, en date du 17 décembre 2003, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif s'est fondé sur les risques encourus par M. X en cas de retour en Algérie pour annuler, dans son intégralité l'arrêté du 3 septembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière :
Considérant que M. X qui a déclaré être entré sur le territoire français en 2001, est célibataire et n'a pas de charge de famille et Y n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée de son séjour et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que M. X fait valoir qu'il a fait l'objet de diverses tentatives de racket et de menaces de mort en raison de son refus de participer à l'action de groupes terroristes ; que, toutefois, les éléments produits ne suffisent pas à établir la réalité des risques auxquels M. X serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, en fixant l'Algérie pour pays de destination, le PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 septembre 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 17 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Djilali X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.