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19/01/2005 | FRANCE | N°266981

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 19 janvier 2005, 266981


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X, demeurant chez ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2004 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de met

tre à la charge de l'Etat à la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et n...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X, demeurant chez ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2004 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat à la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 10 août 2000, de la décision du préfet de l'Hérault du 3 août 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ; que la circonstance que le requérant, qui avait déposé une demande de titre de séjour le 23 décembre 1999, se serait vu opposer une décision implicite de rejet entachée d'illégalité, faute pour le préfet d'avoir répondu à la demande de M. X de communication des motifs de cette décision est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui n'est pas fondé sur cette décision implicite ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision du préfet de l'Hérault du 3 août 2000 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que la décision implicite du préfet de l'Hérault rejetant la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. X n'a fait naître aucun droit au profit de celui-ci ; qu'ainsi, le préfet a pu légalement, par sa décision du 3 août 2000, rapporter cette décision implicite ;

Considérant que la décision du 3 août 2000 comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle est ainsi, suffisamment motivée ; que la décision née du silence gardé par le préfet pendant deux mois sur le recours gracieux formé par M. X contre la décision du 3 août 2000 n'est pas, dans ces conditions, entachée d'illégalité du seul fait qu'elle n'est pas motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ;

Considérant que si M. X soutient qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis 1992, il ne prétend pas, en tout état de cause, résider en France depuis plus de dix ans au 3 août 2000, date de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;

Considérant que si M. X soutient qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française depuis juillet 2000, chez son oncle, en situation régulière en France, et qu'il n'a plus d'attaches familiales au Maroc où ses parents sont décédés, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de ce que l'intéressé, âgé de 30 ans, ne démontre pas son absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, la décision du préfet de l'Hérault en date du 3 août 2000 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ; qu'il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 du décret du 30 juin 1946, modifié : L'étranger, qui n'étant pas admis à résider en France, sollicite la délivrance d'un titre de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : (...) 2° les documents mentionnés à l'article 1er du présent décret justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; que si le deuxième alinéa du même article, dans sa rédaction issue du décret du 5 mai 1999 dispose : Ne sont pas soumis aux dispositions du 2° de l'alinéa 1er du présent article, les étrangers mentionnés à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, cette dispense de présentation des documents justifiant d'une entrée régulière en France ne peut bénéficier qu'aux étrangers justifiant que leur situation les fait entrer dans l'une des catégories mentionnées à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que tel n'est pas le cas de M. X qui ne peut, ainsi qu'il a été dit, se prévaloir utilement des dispositions des 3° et 7° de l'article 12 bis de cette ordonnance ;

Considérant que l'article 12 quater de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 prévoit que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour. La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 de l'ordonnance, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre le cas de M. X à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant qu'il suit de là que M. X n'est fondé à invoquer, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2004 décidant sa reconduite à la frontière, ni l'illégalité de la décision du 3 août 2000, ni, en tout état de cause, l'illégalité de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision ;

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que si M. X soutient qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis 1992, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes pour établir sa présence habituelle, à la date de l'arrêté attaqué, depuis plus de dix ans ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;

Considérant que ni les circonstances invoquées par M. X à l'appui de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ni la circonstance, postérieure à ladite décision, que l'oncle de l'intéressé ait déposé une demande en vue de l'adopter, ne permettent de regarder l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X comme ayant méconnu tant les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative de M. X :

Considérant que, par un arrêté en date du 31 juillet 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, M. Philippe Vignes, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de M. Francis Idrac, préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault, pour signer en son nom tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des réquisitions ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que M. Philippe Vignes n'avait pas compétence pour signer la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative : Les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative bénéficient d'actions d'accueil, d'information, de soutien moral, et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, pour lesquelles l'Etat dispose de l'office des migrations internationales. Une convention détermine les conditions d'affectation et d'intervention des agents de cet établissement. Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, l'Etat passe une convention avec une association à caractère national ayant pour objet la défense des droits des étrangers ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convention prévue par les dispositions précitées a été signée le 22 janvier 2003 par le ministre de l'emploi et de la solidarité et le président de la CIMADE, association à caractère national ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision préfectorale de mise en rétention serait illégale pour avoir décidé le placement en rétention dans un centre qui n'avait pas donné lieu à la convention prévue par les dispositions de l'article 5 du décret du 19 mars 2001 manque en fait ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault ait fait une inexacte application des dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en plaçant M. X en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed X, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 266981
Date de la décision : 19/01/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2005, n° 266981
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Faure
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:266981.20050119
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