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19/01/2005 | FRANCE | N°267761

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 19 janvier 2005, 267761


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Madeleine A, épouse B, demeurant ... ; Mme A, épouse B, demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2004 du préfet de la Marne ordonnant sa reconduite à la frontière, et fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de de

stination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision po...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Madeleine A, épouse B, demeurant ... ; Mme A, épouse B, demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2004 du préfet de la Marne ordonnant sa reconduite à la frontière, et fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : I - L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 29 mars 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, lui a été notifié le 7 avril 2004 par lettre recommandée avec avis de réception, et non le 1er avril 2004 comme l'a relevé le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que la demande de Mme A, épouse B, tendant à l'annulation de cet arrêté a été enregistrée le 13 avril 2004 au greffe du tribunal administratif, soit avant l'expiration du délai de 7 jours fixé par l'article 22 bis précité, et n'était donc pas tardive et, était, par suite, recevable contrairement à ce qu'a jugé le magistrat délégué ; que, dès lors, Mme A, épouse B, est fondée à demander l'annulation du jugement ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B, de nationalité centrafricaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 janvier 2004, de la décision du préfet de la Marne du 20 janvier 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que la circonstance que la copie de la décision ne porterait pas la signature de son auteur et qu'elle serait revêtue d'un timbre humide est sans incidence sur la légalité de cet arrêté de reconduite ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté ne fixerait pas le pays de destination de la mesure de reconduite est inopérant à l'encontre de cet arrêté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que si la requérante fait valoir que son état de santé nécessite un suivi médical régulier, il ne résulte pas des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par l'intéressée, qu'elle ait été, à la date de l'arrêté attaqué, hors d'état de supporter un voyage sans danger pour sa santé ou que l' affection dont elle souffre ne puisse être soignée dans un autre pays ; que le préfet de la Marne a donc pu, sans entacher son arrêté d' une erreur manifeste d' appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A, épouse B, décider qu'elle serait reconduite à la frontière ;

Considérant que si Mme A, épouse B, entrée en France en avril 2001, fait valoir qu'elle vit chez sa fille qui la prend en charge, qu'elle participe à l'éducation de sa petite fille, et que son mari ne réside plus en Centrafrique, il ressort des pièces du dossier que sa petite fille vit avec sa mère et que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brève durée et des conditions de séjour de Mme A, épouse B, en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de la Marne du 29 mars 2004 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu l'intérêt primordial de l'enfant ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Considérant que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que la demande de Mme A, épouse B, tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié politique a été, comme il a été dit ci-dessus, rejetée par des décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés ; que si Mme A, épouse B, fait état de la situation actuelle de la république centrafricaine, de son appartenance ethnique et de l'engagement politique de son mari, Joseph B, député sous l'ancien régime et membre du comité directeur du Rassemblement Démocratique Centrafricain, l'intéressée ne produit aucun élément relatif à sa situation personnelle permettant de regarder comme établies des circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que, Mme A, épouse B, n'est par suite, pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A, épouse B, n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ainsi que de la décision du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme A, épouse B, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mme A, épouse B, un titre de séjour sont dès lors irrecevables ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 16 avril 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Madeleine A épouse B, au préfet de la Marne et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 267761
Date de la décision : 19/01/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2005, n° 267761
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Daussun
Rapporteur public ?: M. Olléon

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:267761.20050119
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