La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2005 | FRANCE | N°266530

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 31 janvier 2005, 266530


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 avril 2004, présentée par M. Amirouche X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 mars 2004 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour prescrivant son éloignement du territoire à destination de l'Algérie ;<

br>
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;

3°) d'e...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 avril 2004, présentée par M. Amirouche X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 mars 2004 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour prescrivant son éloignement du territoire à destination de l'Algérie ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence sous 30 jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : I. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 10 octobre 2003 du préfet du Rhône lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, a quitté son pays d'origine pour entrer sur le territoire français et rejoindre ses quatre enfants mineurs qui y résident avec leur mère ; que ses enfants sont scolarisés en France et que sa femme, dont il est divorcé depuis 1992 mais à laquelle la garde des enfants n'a été confiée qu'en décembre 2003, est titulaire d'une carte de résident de ressortissant algérien d'une durée de dix ans ; que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, et nonobstant la présence de membres de sa famille en Algérie, l'arrêté de reconduite à la frontière a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cet arrêté ; qu'il a, par suite, été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision distincte fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et non pas d'une décision refusant de délivrer à celui-ci un certificat de résidence de ressortissant algérien ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un certificat de résidence de ressortissant algérien ; mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le préfet demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 mars 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 11 avril 2004 du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. X, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Amirouche X, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 266530
Date de la décision : 31/01/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 2005, n° 266530
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:266530.20050131
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award